En avril, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) et Europol ont publié un rapport de situation sur la contrefaçon au sein de l’Union européenne. Élaboré avec le précieux soutien de l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, ce document vise, d’une part, à « contribuer à une meilleure compréhension du phénomène » et, d’autre part, à « offrir une évaluation générale de la production et du trafic des marchandises de contrefaçon dans l’UE ».
Il ressort de cette étude que la gamme des produits contrefaits est de plus en plus large (piles, chargeurs, produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, produits électroniques, produits ménagers pesticides, aliments et boissons, médicaments, etc.). L’ampleur et l’échelle exactes de l’activité de contrefaçon étant inconnues, il est fort probable que « la réalité dépasse toutes les estimations et projections ».
La contrefaçon est considérée par les malfaiteurs comme une activité moins risquée et plus rentable que le trafic de drogue. Elle revêt aussi une dimension de plus en plus transnationale : les « réseaux de criminalité organisée fabriquent et distribuent largement des produits de contrefaçon », profitant des progrès technologiques et du développement exponentiel du commerce en ligne.
La plupart des pays d’origine des contrefaçons sont situés hors de l’UE. Bien qu’elle s’efforce de plus en plus de lutter contre la contrefaçon, la Chine demeure « une source importante ». D’autres pays sont spécialisés dans certaines catégories de produits contrefaisants : l’Inde pour les médicaments, l’Égypte pour les denrées alimentaires et la Turquie pour les parfums et les produits cosmétiques.
Les plateformes de transit entre l’Asie et l’Europe sont devenues « d’importants catalyseurs pour les activités des contrefacteurs ». Les zones franches, qui sont au nombre de 3.000 dans le monde, servent « de plus en plus comme lieux de modification, de documentation et de ré-étiquetage du chargement des conteneurs » (dissimulation du lieu d’origine, ajout de marques, etc.). Au Maroc, il est à craindre que l’extension de la zone franche Tanger Med n’offre aux réseaux criminels « des opportunités supplémentaires d’exporter de plus grands volumes de marchandises de contrefaçon vers l’UE ».
Autre tendance observable : le développement de la production de contrefaçons au sein même de l’UE. Cette solution est perçue comme « meilleure et rentable » par les contrefacteurs. Elle présenterait « moins de risques de détection par les douanes et des coûts de transport moins élevés ». L’OHMI et Europol prennent l’exemple de « groupes de criminalité organisée, provenant essentiellement d’États membres de l’UE, qui ont uni leurs forces afin d’établir des sites de production pour leurs contrefaçons sur le territoire de l’UE ».
L’industrialisation de la contrefaçon « implique des réseaux dotés d’importantes ressources et bien organisés ». Souvent liés à des organisations de type mafieux, ces réseaux pratiquent d’autres activités criminelles (fraude, falsification de documents, évasion fiscale, traite des êtres humains, etc.) dont le financement repose sur les profits générés par la contrefaçon.
De plus, les modes de production et de distribution des marchandises de contrefaçon prouvent « une connaissance des tactiques répressives de la part des contrefacteurs ».
Pour ce qui concerne la distribution, le rapport indique que les contrefacteurs « usent et abusent des faiblesses de l’infrastructure et des chaînes d’approvisionnement pour brouiller les pistes et rendre la détection plus difficile ». Ils ont recours à de nombreuses méthodes contestables telles que la corruption des courtiers entre producteurs et distributeurs, la falsification des documents, le ré-étiquetage, le reconditionnement des produits ou l’usage abusif de labels de certification (appellation « organique », etc.).
Par ailleurs, l’OHMI et Europol confirment qu’Internet est devenu « le canal de distribution par excellence des marchandises de contrefaçon ».
Ils considèrent que l’introduction par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) de nouvelles extensions dites « génériques » telles que « .sport », « .fashion » ou « .market » pourrait « désorienter encore davantage les consommateurs effectuant des achats en ligne, étant donné qu’il sera plus facile de tromper les clients en vendant des marchandises de contrefaçon ».
Quant aux faux sites internet, ils « semblent bénéficier non seulement des recettes de la vente de contrefaçons, mais aussi, dans une certaine mesure, des recettes publicitaires basées sur leur popularité ». Partant, l’OHMI et Europol recommandent l’adoption de bonnes pratiques (approche dite « suivez l’argent », etc.), qui permettent de saper la rentabilité commerciale des sites illégaux.
Il est également à noter que « les principaux détaillants en ligne et plateformes de médias sociaux sont contraints de consacrer davantage de ressources à la surveillance de l’activité de contrefaçon ».
Enfin, le rapport met l’accent sur « les points d’entrée où les opérateurs privés et les instances répressives pourraient maximiser l’efficacité de leurs interventions pour lutter contre ce domaine de criminalité « à faible risque et haut rendement lucratif » ». Il souligne la nécessité, pour les acteurs publics et privés, de mettre en place des « réponses plus innovantes et inclusives au niveau international » afin de s’attaquer tant à l’offre qu’à la demande. L’OHMI et Europol appellent ainsi de leurs vœux « la création d’une stratégie globale et proactive pour mettre l’accent sur une hausse des niveaux de sensibilisation et fournir aux instances répressives les connaissances et les outils qui leur sont nécessaires pour collaborer et prendre des mesures correctives efficaces ».
Vous pouvez prendre connaissance du rapport en cliquant ici.