La deuxième conférence du CNAC s’est tenue au Sénat le lundi 19 octobre. Consacrée aux dommages et intérêts alloués dans le cadre des actions en contrefaçon, elle a réuni près d’une centaine de participants.
Marie COURBOULAY, vice-présidente au tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 1ère section), a rappelé que le rôle du juge est de garantir que chacun des droits soit respecté. Il doit donc être prudent et tenir compte des droits des demandeurs et de ceux des concurrents. Le droit de la concurrence et la liberté d’entreprendre doivent être respectés. La magistrate a également indiqué que de nombreux demandeurs invoquent des droits qu’ils n’ont pas. Certains demandeurs détournent même la procédure pour « tuer » leurs concurrents. Pour ce qui concerne le calcul des dommages et intérêts, Mme COURBOULAY a rappelé aux ayants droit présents dans la salle que les juges ont besoin d’éléments pour calculer une redevance dissuasive. À ce jour, aucune victime de contrefaçon n’a demandé à ce que son préjudice soit réparé selon la méthode dite « forfaitaire ».
Pierre VÉRON, avocat spécialisé en propriété intellectuelle, a, pour sa part, présenté les chiffres clés concernant les dommages et intérêts pour contrefaçon de brevets d’invention en France. Entre 2010 et 2013, 80 décisions sur le fond en matière de brevets d’invention ont été rendues chaque année. Au cours de cette même période, le montant moyen des dommages et intérêts alloués par le juge s’élevait à 246.902 euros alors que le montant médian s’établissait à 50.000 euros (montant maximum accordé: 2,7 millions d’euros). Vous pouvez prendre connaissance de la présentation de M. VÉRON en cliquant ici.
Le président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI), Alain MICHELET, a illustré son propos par une affaire relative à deux brevets. Entre la saisie-contrefaçon et la dernière décision de la Cour de cassation, pas moins de 17 années se sont écoulées! M. MICHELET estime qu’il est primordial d’apprécier le préjudice dans toutes ses composantes pour lui donner toute son importance. Vous pouvez prendre connaissance de sa présentation en cliquant ici.
Enfin, Cécile CAILAC, juriste spécialisée en propriété intellectuelle chez Chanel, a abordé la question des dommages et intérêts du point de vue des détenteurs de marques. Elle a souligné les apports de la loi du 11 mars 2014, à commencer par la ventilation des trois chefs de préjudice (conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits). Le premier objectif des titulaires de droits est de faire cesser le délit de contrefaçon. D’où la nécessité d’une « procédure fiable et rapide ». Mme CAILAC a également mis en exergue les difficultés auxquelles sont confrontés les titulaires de droits: indemnisation relativement faible; difficultés pour prouver le préjudice moral et d’image; difficultés pour recouvrer les sommes allouées par le juge (en particulier lorsque la société contrefaisante est insolvable); actions « à perte » (dommages et intérêts inférieurs aux frais réels). Elle a conclu son propos en évoquant les approches alternatives telles que l’approche dite « follow the money », qui permet de frapper les contrefacteurs au porte-monnaie.
Ces quatre interventions très intéressantes ont été suivies d’un échange avec la salle.
La loi du 11 mars 2014 a renforcé les dédommagements civils accordés aux victimes de contrefaçon. Les juridictions ont désormais l’obligation de prendre en considération, de manière distincte, tous les chefs de préjudice introduits par la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon (conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits). Elles doivent aussi nécessairement tenir compte des économies d’investissements (intellectuels, matériels et promotionnels) réalisées par le contrefacteur. Par ailleurs, lorsque la partie lésée demande à ce que le préjudice soit réparé selon la méthode dite « forfaitaire », les dommages et intérêts sont obligatoirement supérieurs à ce qu’aurait eu à payer le contrefacteur s’il avait été titulaire d’une licence d’exploitation. |