L’assemblée générale du Comité national anti-contrefaçon (CNAC) s’est tenue le lundi 11 avril au siège social de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).
Les membres du Comité ont été accueillis par le directeur général de l’INPI, Yves LAPIERRE, qui a rappelé que son établissement – la « maison des innovateurs » – assure le secrétariat général du CNAC depuis déjà 21 ans. Il a déclaré qu’une propriété intellectuelle solide constitue « le meilleur moyen pour lutter contre la contrefaçon ». Il s’est également réjoui de la prise de conscience, par le Gouvernement, de l’importance de la propriété intellectuelle comme levier de compétitivité. Par ailleurs, il a insisté sur la nécessité de sensibiliser davantage les consommateurs et les responsables politiques. Selon M. LAPIERRE, c’est « par conviction » que l’on peut faire avancer la lutte anti-contrefaçon. Enfin, citant l’exemple du CNAC Euromed, il a constaté avec satisfaction que « l’exemplarité française fait des petits ».
Après avoir rappelé que le CNAC s’apparente à un « club d’influence », j’ai appelé de mes vœux la mise en place d’un guichet unique chargé de centraliser le traitement des plaintes des titulaires de droits de propriété intellectuelle, sur le modèle de ceux mis en place aux États-Unis (IACC) et au Canada (Centre antifraude). Pour ce qui concerne le pilotage interministériel de la lutte contre la contrefaçon, je me suis réjoui que le secrétaire d’État chargé du budget, Christian ECKERT, ait récemment annoncé la création prochaine, sous l’égide de la douane, d’une instance interministérielle de réflexion stratégique et de pilotage opérationnel de la lutte contre la contrefaçon.
J’ai également fait un rapide tour d’horizon de l’actualité législative, qui a été particulièrement riche au cours de l’année écoulée. Lors de la discussion au Sénat du projet de loi de modernisation de notre système de santé, j’ai fait adopter un amendement visant à substituer au paquet de cigarettes standardisé une stricte transposition de la directive du 3 avril 2014 relative aux produits du tabac. Malheureusement, la disposition relative au paquet neutre a été rétablie par l’Assemblée nationale. Elle entrera en vigueur le 20 mai prochain. Partant, je considère que l’affaire est pliée.
Le mois dernier, j’ai obtenu le durcissement des peines applicables aux délits aggravés de contrefaçon (7 ans d’emprisonnement et 750.000 euros d’amende, au lieu de 5 ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende), à l’occasion de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Au début de cette année, le Sénat a voté l’interdiction de la brevetabilité les produits issus des procédés essentiellement biologiques, dans le cadre du projet de loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. J’ai aussi fait adopter un amendement visant à limiter la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique. À l’Assemblée nationale, la première de ces dispositions a été modifiée dans un sens négatif. Quant à la seconde, elle a été purement et simplement supprimée. Je souhaite revenir à la charge lors de la deuxième lecture au Sénat.
Par ailleurs, j’ai félicité l’Observatoire de la propriété intellectuelle de l’INPI pour le rapport sur l’impression 3D qu’il a réalisé pour le compte du CNAC.
Après avoir évoqué le déplacement à Bruxelles d’une délégation du Comité (septembre 2015), j’ai présenté les principaux axes de travail du CNAC pour les prochains mois: suivi de la mise en place de la juridiction unifiée du brevet (JUB), approfondissement de la coopération européenne (nécessité d’une structure de dialogue et de coordination entre les instances nationales de lutte anti-contrefaçon), développement des relations avec les associations de consommateurs.
Enfin, je me suis félicité du succès rencontré par les trois premières conférences du CNAC.
L’assemblée générale a été l’occasion, pour les co-présidents des quatre groupes de travail qui composent le CNAC, de dresser le bilan des actions menées depuis avril 2015et de tracer quelques perspectives pour les prochains mois.
Au cours de l’année écoulée, le groupe « coopération internationale », co-présidé par Michel DIEUDONNÉ (CCI France), a concentré ses travaux sur l’échange d’informations et de bonnes pratiques (rencontre avec les attachés INPI ; débriefing de la mission en Chine du président du CNAC ; etc.), la sensibilisation des institutions européennes(déplacement à Bruxelles, etc.) et la coopération avec les Émirats arabes unis.
Le 26 avril prochain, les membres du groupe de travail se réuniront autour de Jean-Christophe MARTEN-PEROLIN, chef du bureau « réseaux » de la direction de la coopération internationale du ministère de l’intérieur, et Corinne CHAMPAGNER-KATZ, avocate au barreau de Paris et auteure d’un excellent rapport sur la sécurité économique sur les salons professionnels.
Il est également à noter qu’une rencontre avec une délégation du CNAC italien est prévue en juillet.
Co-présidé par Angélique MONNERAYE (direction générale des entreprises), le groupe « cyber-contrefaçon » s’est réuni à deux reprises. Ses travaux ont essentiellement porté sur la stratégie dite « follow the money ». En juin 2015, le groupe s’est réuni autour d’un responsable du Centre antifraude du Canada, Barry ELLIOTT (le CAFC est chargé de rembourser les consommateurs victimes de contrefaçon ; il a reçu plus de 9.000 plaintes en un an ; 1.600 vendeurs de contrefaçons ont été identifiés ; plus de 1.000 comptes ont été clôturés ; 2,7 millions de dollars ont été remboursés aux consommateurs). Lors de sa dernière réunion, en février 2016, le groupe de travail a notamment échangé avec une représentante de la Commission européenne, Stéphanie MARTIN (unité « propriété intellectuelle et lutte contre la contrefaçon » de la direction générale « Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME »).
Mme MONNERAYE a indiqué que la Commission européenne organisera une conférence consacrée aux chartes au mois de juin prochain. Une charte avec les plateformes de vente en ligne devrait être signée à cette occasion. Trois autres chartes européennes sont en préparation (acteurs de la publicité en ligne, services de paiement, transporteurs). Parmi les autres chantiers lancés par la Commission européenne figure notamment la révision de la directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (une proposition de révision de cette directive devrait être présentée d’ici à la fin de cette année).
Mme MONNERAYE a également proposé trois axes de travail pour les prochains mois: implication plus étroite des intermédiaires de paiement en ligne dans la lutte anti-contrefaçon (mise en place du guichet unique, création d’un comité de suivi des bonnes pratiques) ; finalisation de la charte des bonnes pratiques dans la publicité en ligne pour le respect des droits de propriété industrielle (Syndicat des régies internet, Union des annonceurs, etc.) ; approfondissement de la réflexion sur les noms de domaine(poursuite du dialogue avec l’AFNIC : procédure dite « SYRELI », vérification des informations concernant les titulaires de nom de domaine, suppression/transmission des noms de domaine).
Par ailleurs, Mme MONNERAYE a rappelé qu’une conférence du CNAC consacrée à la lutte contre la cyber-contrefaçon (« Cyber-contrefaçon : peut-on réellement protéger ses droits sur internet ? ») s’est tenue au Sénat le 24 mars dernier.
Enfin, Mme MONNERAYE a évoqué le lancement d’une étude portant sur l’évaluation des conséquences économiques des pratiques de contrefaçon en France. Cofinancée par l’INPI, l’Unifab et la DGE, cette étude sera réalisée par une équipe pluridisciplinaire. Un premier diagnostic est en cours (définition de la méthodologie).
Les principales activités du groupe de travail « sensibilisation et communication » ont été exposées par Christian PEUGEOT, président de l’Union des fabricants (Unifab): campagne de sensibilisation estivale de l’Unifab (mi-juillet – mi-août 2015), traduction en anglais de l’infographie mise en ligne en 2014 (diffusion via les attachés INPI et les partenaires étrangers de l’Unifab), organisation d’un évènement consacré à l’authentification des produits à l’occasion de la journée mondiale anti-contrefaçon (24 juin 2015).
M. PEUGEOT a également présenté les actions en matière de sensibilisation des collégiens. En janvier 2015, des membres de l’Unifab sont intervenus devant des élèves de 5ème et 4ème d’un collège du sud de la France. Au total, 15 conférences ont été organisées et 500 élèves ont été sensibilisés. M. PEUGEOT souhaite approfondir la coopération avec le ministère de l’éducation nationale.
Le 28 janvier dernier, il a remis au ministre des finances et des comptes publics, Michel SAPIN, le rapport de l’Unifab sur la contrefaçon et le financement du terrorisme. Ce document sera très prochainement présenté à la Commission européenne. Il a fait l’objet d’un débat passionnant lors du dernier Forum européen de la propriété intellectuelle(11 février 2016).
Enfin, M. PEUGEOT a informé les membres du CNAC que la prochaine campagne de sensibilisation estivale de l’Unifab sera lancée à Nice le 6 juillet.
Depuis la dernière assemblée générale, le groupe de travail « aspects normatifs et juridictionnels », co-présidé par Nadine BABONNEAU (direction générale des douanes et droits indirects), s’est réuni à deux reprises (juin 2015 et mars 2016). Deux axes de travail ont été privilégiés, à savoir le suivi de l’actualité législative et réglementaire (mise en place de la juridiction unifiée du brevet ; adoption de la directive relative au secret des affaires ; mise en œuvre de la loi dite « Yung » du 11 mars 2014 ; adoption du paquet législatif européen relatif au droit des marques) et la réflexion sur l’impression 3D (publication d’un rapport en mars 2016).
Mme BABONNEAU a proposé que le groupe de travail assure le suivi de la transposition de la directive relative au droit des marques, de la transposition de la directive relative au secret des affaires ainsi que des initiatives de la Commission européenne (révision de la directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, etc.).
À l’issue de la présentation des bilans d’activité des groupes de travail, l’assemblée générale s’est poursuivie avec une table ronde sur les priorités à donner à la lutte anti-contrefaçon dans les mois qui viennent. Présidée par Jean-Baptiste MOZZICONACCI (INPI), elle a réuni un représentant de la Commission européenne, Remo CROCI (direction générale « Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME »), le directeur du bureau de représentation de l’Office de l’UE pour la propriété intellectuelle (EUIPO) à Bruxelles, Patrice PELLEGRINO, et le directeur de la propriété industrielle chez L’Oréal, Denis BOULARD.
M. CROCI a précisé que la Commission européenne concentre ses efforts sur la contrefaçon à l’échelle commerciale (approche dite « follow the money »). Concrètement, elle souhaite promouvoir les bonnes pratiques via l’élaboration de nouvelles chartes (plateformes de vente en ligne, publicité en ligne, intermédiaires de paiement en ligne, transporteurs). Dans la perspective de la modernisation du cadre juridique relatif à l’application des DPI, la Commission a réalisé une consultation publique qui va notamment lui permettre d’évaluer l’application transfrontière de la directive du 29 avril 2004 ainsi que la procédure de notification et retrait de contenu illicite sur Internet (« notice and take down »). L’exécutif européen a également lancé une consultation publique sur les mesures de diligence et l’intégrité des chaînes d’approvisionnement en vue de protéger la propriété intellectuelle. M. CROCI estime que le guichet unique du type IACC devrait être mis en place par les titulaires de DPI eux-mêmes.
Pour sa part, M. PELLEGRINO a indiqué que l’EUIPO souhaite mettre à jour les études réalisées par l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, à commencer par celle sur la contribution des DPI à l’économie de l’UE et aux entreprises privées. Il a également précisé que les jeunes constituent le public cible de l’EUIPO. En septembre 2015, l’Office a publié une étude sur l’éducation à la propriété intellectuelle, qui démontre notamment qu’il existe un lien entre la sensibilisation à la PI et la moindre mise en cause des DPI. Étant donné que le consommateur européen n’existe pas, l’EUIPO n’est pas en mesure de développer une campagne de sensibilisation européenne efficace. D’après M. PELLEGRINO, les campagnes les plus efficaces sont les campagnes nationales.
M. BOULARD a rappelé que L’Oréal, qui est l’un des principaux déposants de brevets auprès de l’INPI, défend avec beaucoup de vigueur ses droits de propriété intellectuelle. À cette fin, le groupe surveille de près les produits concurrents susceptibles de constituer des contrefaçons. Enfin, M. BOULARD s’est dit personnellement favorable à une « utilisation relativement massive du brevet unitaire ».
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