« Il est arrivé un moment où nous nous sommes retrouvés bloqués aussi bien au niveau du business que dans le dialogue avec les investisseurs », relate Timothée Le Quesne, CEO d’Energy Square.
La start-up, qui propose un chargeur sans fil capable d’alimenter plusieurs smartphones et tablettes simultanément, a été primée au CES de Las Vegas et intéressait des investisseurs… jusqu’à un certain point. « Le problème, c’est que nous n’avions pas déposé de brevet. On nous disait que nous ne pouvions pas avancer sans stratégie de propriété industrielle. »
La difficulté de Timothée Le Quesne n’est pas propre à toutes les start-up, mais il peut vite devenir gênant pour celles qui innovent et doivent protéger leurs inventions. « L’analyse de la propriété industrielle de la start-up fait partie des critères de sélection de l’investisseur », prévient Didier Patry, directeur de France Brevets, un fonds d’investissement en propriété intellectuelle détenu par l’État et la Caisse des Dépôts et doté d’un budget de100 millions d’euros issu du Fonds souverain en propriété intellectuelle.
Du temps, de l’énergie, des frais importants… Pour une jeune entreprise, déposer un brevet s’apparente parfois à un parcours du combattant. « La culture de la propriété industrielle est moins forte en France qu’en Allemagne, observe Romain Soubeyran, directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Les entrepreneurs prennent souvent conscience de l’importance du brevet lorsqu’ils se lancent à l’export ou qu’ils font face à la contrefaçon. »
Une démarche décisive
La démarche peut pourtant s’avérer décisive pour la croissance. Selon une étude de Harvard Business School et de Stern School of Business publiée par le National Bureau of Economie Research, la différence entre une jeune pousse, dont la demande de brevet a été acceptée, et une autre qui a été rejetée est nette : en moyenne, la start-up qui a breveté une innovation a un volume de ventes 80 % supérieur et 18 collaborateurs de plus cinq ans plus tard.
Surtout, il existe en France des dispositifs dédiés à l’accompagnement des start-up dans leur dépôt de brevet. L’Inpi, d’abord, leur accorde une réduction de 50 %sur les principales redevances de procédure et de maintien des brevets. L’institut propose également « un pré diagnostic gratuit afin de dresser un état des lieux des inventions de la start-up ainsi que des master class pour aider les dirigeants dans la définition de leur stratégie de propriété industrielle », présente Romain Soubeyran. Une offre renforcée, découlant du nouveau contrat d’objectif signé avec l’État, serait également en préparation.
À l’image de Timothée Le Quesne, les startuppeurs peuvent aussi s’adresser à France Brevets, qui accompagne depuis 2011 les start-up dans leur processus de dépôt de brevets. Des jeunes pousses comme Netatmo ont ainsi participé à son programme La Fabrique à Brevets, dont une nouvelle formule vient d’être inaugurée.
« Nous avançons les frais de rédaction, de dépôt, d’extension à l’étranger et de maintenance du brevet. La start-up paie plus tard », explique Didier Patry. Concrètement, France Brevets identifie les inventions dans les programmes de R&D des entreprises et supervise la rédaction des demandes de brevets. Le fonds travaille avec des conseillers en propriété intellectuelle et se rémunère grâce au licensing des brevets ainsi déposés ou par un forfait déterminé à l’avance avec l’entrepreneur et payable 12 à 48 mois plus tard – le temps que la start-up lève ses premiers fonds.
Selon France Brevets, une start-up munie d’un portefeuille de brevets a effectivement trois à cinq fois plus de chances de réussir une introduction en Bourse, une LBO ou une levée de fonds. Libre au CEO de déterminer si sa situation nécessite ou non le dépôt d’un ou plu sieurs brevets pour défendre son innovation.
Les Echos, Basile Dekonink, 28/09/2017