Juridiction unifiée du brevet: le Sénat autorise la ratification du protocole sur les privilèges et immunités

Le 20 décembre, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet (JUB).

Signé à Bruxelles le 29 juin 2016, ce protocole prévoit l’inviolabilité des locaux et des archives de la juridiction, les immunités de la juridiction et des représentants des États parties ainsi que les immunités et exonérations fiscales des juges, greffiers et agents administratifs.

La JUB n’est pas une juridiction de l’Union européenne, mais une juridiction commune à vingt-cinq États membres qui repose sur un accord intergouvernemental signé à Bruxelles le 19 février 2013 [1].

Elle aura compétence exclusive pour connaître des actions relatives à la contrefaçon et à la validité des brevets européens « classiques » (brevets délivrés dans le cadre de la convention de Munich de 1973) et des brevets européens à effet unitaire (brevets délivrés dans le cadre de deux règlements européens des 11 et 17 décembre 2012) [2].

Par ailleurs, elle comprendra un tribunal de grande instance – composé d’une division centrale (avec un siège à Paris et deux sections à Londres et Munich), de divisions locales (jusqu’à quatre par État) et de divisions régionales, communes à plusieurs États -, une cour d’appel (Luxembourg), un greffe (Luxembourg), un centre de formation des juges (Budapest) ainsi qu’un centre de médiation et d’arbitrage (Ljubljana et Lisbonne).

Les premiers brevets européens à effet unitaire ne pourront être délivrés qu’à partir de l’entrée en vigueur de l’accord du 19 février 2013. Cette dernière nécessite la ratification de treize États, dont les trois États membres ayant le plus grand nombre de brevets européens, à savoir l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. L’accord a déjà été ratifié par quatorze États, dont la France (2014).

En Allemagne, la ratification de l’accord fait actuellement l’objet d’un recours devant le Tribunal constitutionnel fédéral. Ce dernier devrait rendre sa décision au printemps prochain.

Quant au Royaume-Uni, il devrait procéder à la ratification de l’accord au début de l’année prochaine. Après le Brexit, la participation effective du Royaume-Uni à la JUB sera conditionnée par une révision de l’accord. À cet égard, la France plaide pour que des dispositions permettant d’assurer la sortie ordonnée du Royaume-Uni de la JUB ou sa participation en tant qu’État tiers soient incluses dans l’accord de retrait.

Le Brexit ne doit pas conduire à retarder davantage la mise en place du brevet européen à effet unitaire, qui constituera une avancée considérable pour la compétitivité des entreprises et l’innovation.

Pour en savoir plus, cliquez ici.

______________
[1] Un protocole d’application provisoire de la JUB a également été signé le 1er octobre 2015. Ratifié par la France le 23 mai dernier, il doit permettre de préparer le lancement opérationnel de la juridiction tant sur les plans administratif et financier que par la formation des juges et des agents. Il permet l’application des dispositions instituant divers comités (administratif, budgétaire, consultatif).
[2] Alors que l’actuel brevet européen délivré par l’Office européen des brevets (OEB) éclate après sa délivrance en un faisceau de titres nationaux soumis à des régimes divers de lois et procédures nationales, le brevet européen à effet unitaire produira des effets identiques sur l’ensemble des territoires des États de l’UE participant à la coopération renforcée.

Internet: gare aux contrefaçons

À l’occasion de la période des achats de Noël, la chaîne d’information en continu BFMTV a diffusé un reportage sur la cyber-contrefaçon.

La directrice générale de l’Union des fabricants (Unifab), Delphine SARFATI-SOBREIRA, et moi-même avons répondu aux questions de Laura LEQUERTIER.

La guerre du savon de Marseille repart de plus belle

Trois associations bataillent autour de la définition d’une indication géographique protégée. Les fabricants de matières premières défendent le procédé, pas le lieu.

Et de trois. La guerre du savon de Marseille, qui dure depuis plus de deux ans, est relancée. Une troisième association vient d’être créée, baptisée « Savon de Marseille France » (ASDMF), réunissant les principaux producteurs français de matières premières servant à sa fabrication. Parmi elles, les sociétés Provendi en Haute-Savoie et La Savonnerie de l’Atlantique à Nantes : « A nous deux, nous fournissons 95 % de la matière d’origine France, soit près de 20.000 tonnes par an », indique Pascal Marchal, le patron de la société nantaise, président de l’ASDMF. A leurs côtés figurent Lorcos à Luneville, Bernard Cosmetics et la Maison d’Orient Alepia. Une démarche soutenue aussi par L’Afise, l’Association professionnelle des industries de la détergence.

Un process de fabrication

Leur objectif, défendre l’appellation « savon de Marseille » en tant que procédé de fabrication et non comme une indication géographique. Ce que revendiquent les deux autres associations qui ont déposé une demande en ce sens auprès de L’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI. L’une veut réserver ce label aux seuls fabricants des Bouches-du-Rhône, avec une fabrication ancestrale en chaudron, et une recette spécifique, comme celle de Marius Fabre.

L’autre regroupe des transformateurs et des marques comme l’Occitane, qui défendent un territoire plus large, la Provence. Mais dont les savons peuvent être composés à partir de copeaux provenant de pays tiers. Aujourd’hui, sur les 40.000 tonnes de matières premières utilisées dans l’Hexagone pour le savon de Marseille, la moitié vient d’Asie, notamment de Malaisie ou d’Indonésie.

La menace pour l’emploi

« Lier le savon de Marseille à un territoire n’a pas de sens, car dès le début du XIXe siècle, il a été fabriqué près de Nantes et dans la plupart des ports français », relève Pascal Marchal. Si l’ASDM a décidé de monter au créneau, c’est qu’elle craint un impact en termes d’emplois sur les PME qu’elle regroupe, soit environ 600 salariés. « J’ai déjà des clients qui ont renoncé à des commandes par peur du flou actuel entre IGP », relève Xavier Thiry, à la tête de Provendi, qui exporte beaucoup aux États-Unis.

Des petites entreprises qui ont aussi investi « pour moderniser leur site et renforcer la sécurité des consommateurs ». Selon l’association, limiter l’appellation à une indication géographique locale risquerait aussi de créer une pénurie, les capacités des fabricants des Bouches-du-Rhône étant limitées. Ce qui pourrait donner lieu à une forte hausse des prix.

Dans ce contexte, il n’est pas facile pour l’INPI de trancher. L’institut, qui devait rendre sa réponse il y a plus d’un an, a préféré attendre, sans donner de date. L’organisme pourrait aussi choisir de ne pas trancher et de laisser en l’état la situation. A moins que chacun se remette autour de la table. Cette bataille intervient alors que le marché du savon de Marseille (environ 400 millions d’euros) connaît un engouement, porté par un courant de naturalité.

Dominique Chapuis

lesechos.fr (12/12/17)

Réduction des effectifs des juridictions spécialisées en droit de la propriété intellectuelle: six associations manifestent leur vive inquiétude

Le 7 décembre, six associations exerçant dans le domaine de la propriété intellectuelle – l’Association des praticiens du droit des marques et des modèles (APRAM), l’Union des fabricants (Unifab), la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI), l’Association des conseils en propriété industrielle (ACPI), l’Association des avocats de propriété industrielle (AAPI) et l’Association des praticiens européens des brevets (APEB) – ont publié le communiqué ci-dessous, dans lequel elles manifestent leur vive inquiétude devant la réduction des effectifs de la troisième chambre du tribunal de grande instance (TGI) de Paris et du pôle 5 (vie économique) de la cour d’appel de Paris.

Je partage totalement les préoccupations exprimées par ces associations.

———————————————

Les signataires s’inquiètent de la diminution des effectifs de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris qui a perdu trois magistrats (soit un quart de ses juges). Il apparait que le Pôle 5 de la cour est également amputé de plusieurs de ses effectifs.

En tant que représentants d’associations dont les membres sont tous concernés par le fonctionnement de la justice, en leur qualité de titulaires de droits de propriété industrielle ou de juristes en propriété intellectuelle, nous voulons donner l’alerte sur les conséquences d’une telle réduction.

En effet, au même titre que les entreprises industrielles et commerciales, la justice affronte la concurrence européenne, et ce plus encore à l’heure où les marques et modèles font l’objet de dispositions légales harmonisées et où Paris est le siège de la future Juridiction Unifiée du Brevet.

De plus en plus, avant d’engager une action, il devient stratégique de choisir la juridiction qui offre la meilleure qualité de décisions, ainsi que la plus grande rapidité de leur obtention.

Si la qualité des décisions françaises n’a rien à envier à celles d’autres tribunaux européens, le constat est malheureusement que la France n’est pas en tête des juridictions les plus rapides. Il nous faut attendre de 14 à 16 mois pour obtenir un jugement au fond en matière de marques, dessins et modèles, et environ 24 mois en matière de brevets, alors que les juridictions allemandes, néerlandaises ou anglaises peuvent statuer en moins de 12 mois dans toutes ces matières.

Depuis quelques années, la troisième chambre du tribunal a gagné en efficacité et en rapidité, grâce aux douze magistrats qui la composent. Cet effectif avait été décidé à la suite du regroupement devant le tribunal de grande instance des affaires de dessins et modèles et de droit d’auteur avec celles relatives aux brevets et aux marques.

De plus, le tribunal et la cour de Paris sont seuls compétents pour les dossiers traitant des marques et dessins  communautaires  ainsi  que  des  brevets  nationaux  et  européens.  A cela  s’ajoute  le  fait  que  la complexité, tant technique que juridique des dossiers, n’a fait que croître ces dernières années.

Si la troisième chambre du tribunal devait voir ses effectifs réduits de douze à neuf magistrats, et si le pôle 5 devait continuer à fonctionner en sous-effectif, les magistrats restants ne pourraient plus poursuivre le travail d’amélioration de qualité et de réduction des délais entrepris depuis des années.

Cela aurait pour effet d’éloigner les entreprises des tribunaux français, non pas au profit de modes alternatifs de résolution des litiges qui sont inadaptés aux questions de validité des titres, mais au profit des juridictions étrangères.

Les associations signataires qui regroupent la totalité des acteurs de la propriété industrielle, ne pouvaient donc que manifester leur vive inquiétude face à une telle situation qui affecte la place de la France en matière de propriété industrielle et d’innovation et porte un coup sérieux à la réputation de la justice française.

Les signataires entendent ainsi alerter avec force les pouvoirs publics sur la nécessité de maintenir les effectifs de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que ceux du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris.

Éducation à la propriété intellectuelle: réponse décevante du ministre de l’éducation nationale

Le 31 juillet dernier, j’avais adressé une lettre au ministre de l’éducation nationale, par laquelle j’attirais son attention sur la nécessité de renforcer l’éducation à la propriété intellectuelle.

Dans sa réponse, en date du 22 novembre, Jean-Michel BLANQUER, m’informe du respect, par son administration, des droits de propriété intellectuelle. J’en prends acte et je m’en réjouis. Toutefois, je regrette que le ministre ne m’ait pas apporté de réponse s’agissant notamment de l’intégration d’un volet « propriété intellectuelle » dans les programmes d’enseignement moral et civique.

Vous trouverez, ci-dessous, le texte de ma lettre ainsi que la réponse de M. BLANQUER.

—————————————-

Monsieur le Ministre,

Je souhaite appeler votre attention sur la lutte contre la contrefaçon et l’éducation à la propriété intellectuelle.

Depuis 2013, j’ai l’honneur de présider le Comité national anti-contrefaçon. Créé en 1995, le CNAC est une plate-forme informelle qui réunit des acteurs publics et privés concernés par le respect des droits de propriété intellectuelle et la lutte contre la contrefaçon. Son rôle est de renforcer l’échange d’informations, faciliter le partage de bonnes pratiques, coordonner des actions concrètes et formuler des propositions de réforme.

La lutte contre la contrefaçon est un combat de longue haleine. Elle mobilise de nombreux acteurs, au premier rang desquels les douanes, qui ont saisi pas moins de 9,24 millions de produits contrefaisants en 2016, contre 7,7 millions en 2015. Ce résultat – historique – prouve que la contrefaçon est un véritable « cancer » qui ronge l’économie et menace gravement la santé et la sécurité des consommateurs, à commencer par les plus fragiles. Tous les secteurs d’activité sont désormais frappés par ce fléau transnational, qui alimente de plus en plus le crime organisé.

Pour le contrecarrer plus efficacement, notre arsenal répressif a été profondément renforcé au cours des dernières années (loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon ; loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale).

La lutte contre la contrefaçon nécessite également un gros effort de pédagogie. C’est pourquoi le CNAC a lancé, en 2014, une grande campagne de sensibilisation sur Internet. Principalement destinée aux jeunes internautes (15-25 ans), elle prend la forme d’une infographie publiée sur le site du CNAC et diffusée sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, depuis plusieurs années, l’un des principaux partenaires du CNAC, l’Union des fabricants (Unifab) mène des actions de sensibilisation auprès des collégiens.
Pour sa part, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) a mis en place un programme de formation – « Génération INPI » – destiné aux professeurs des secteurs public et privé (lycées, BTS, IUT, classes préparatoires scientifiques).

D’autres initiatives sont nécessaires pour renforcer l’éducation à la propriété intellectuelle. À l’instar de l’Unifab, je souhaite qu’un volet « propriété intellectuelle » soit intégré dans les programmes d’enseignement moral et civique. Il convient également de s’inspirer des expériences étrangères (Japon, Allemagne, etc.).

Vous trouverez, ci-joint, une étude intitulée « Propriété intellectuelle et éducation en Europe ». Publiée en 2015 par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), elle démontre la nécessité d’« inculquer aux générations futures une compréhension et un respect des droits de propriété intellectuelle ».
Dans le prolongement de cette étude, l’EUIPO souhaite « jeter les fondations d’un réseau qui pourra ouvrir la voie à [des] efforts communs pour élaborer une stratégie d’éducation et de communication en matière de propriété intellectuelle réellement efficace lorsque déployée à l’échelle nationale par les acteurs locaux » (établissement de lignes directrices à destination des établissements d’enseignement ; création d’un kit ; etc.). À mon sens, il serait utile que le ministère dont vous avez la charge participe aux travaux conduits par l’EUIPO.

Je vous remercie d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à ces remarques et propositions, dont je serais heureux de pouvoir m’entretenir avec vous.

Dans cette attente, je vous prie de croire, monsieur le Ministre, à l’expression de ma haute considération.

Richard YUNG

—————————————-

Monsieur le Sénateur,

Vous avez appelé mon attention sur les actions en faveur de l’éducation à la propriété intellectuelle menées par le Comité national anti-contrefaçon (CNAC).

C’est avec intérêt que j’ai pris connaissance de votre correspondance, et vous remercie pour votre aimable démarche.

Comme vous le savez, les enseignants et les formateurs peuvent être amenés à diffuser, sous format papier ou numérique, des copies de publications à leurs élèves, étudiants, apprentis ou stagiaires pour enrichir, illustrer ou compléter leurs cours.

Ces copies peuvent concerner différents types d’œuvres. Si certaines relèvent du domaine public et peuvent être utilisées sans autorisation préalable, d’autres sont protégées par le droit d’auteur.

À cet égard, la responsabilité de !’ École est engagée dès lors que sa mission suppose de mobiliser des œuvres protégées. C’est pour cette raison que le ministère a signé le 22 juillet 2016 un nouveau protocole d’accord avec les sociétés d’auteurs représentant les titulaires de droits pour l’utilisation et la reproduction des livres, des œuvres musicales éditées, des publications périodiques et des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche.

Ce protocole donne également des informations utiles pour que les professeurs, dans l’exercice de leur mission, saisissent les opportunités permettant de mener auprès des élèves une sensibilisation aux règles de droit qui régissent la protection des œuvres et des auteurs.

Ainsi, l’éducation aux règles qui régissent l’utilisation des supports textuels ou audiovisuels est prise en charge par l’ensemble des enseignants, dont les professeurs documentalistes. Leur spécialisation dans le domaine des sciences de l’information et de la communication en fait, d’une part, des intervenants privilégiés auprès des élèves pour leur formation, notamment la construction des compétences du socle, d’autre part des partenaires incontournables des professeurs des disciplines et des personnels d’éducation pour la mise en place de séquences intégrant l’éducation et l’information aux médias.

Soyez assuré de l’importance que j’attache à la formation de citoyens et à la construction de l’avenir de notre société.

Je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, à l’assurance de ma considération distinguée.

Jean-Michel BLANQUER

Contrefaçon de médicaments : un fléau mondial

Le trafic de faux produits pharmaceutiques explose. Ils entraîneraient la mort de 700 000 personnes par an.

Les deux boîtes de cet antibiotique se ressemblent à s’y méprendre. Des yeux experts peuvent repérer ce vert plus pâle sur l’une des boîtes, ce point rond sur le «i» alors qu’il devrait être carré, ou cette découpe différente. Il faut les lampes fluorescentes d’un appareil de détection des faux passeports ou billets de banque pour révéler les défauts de conception de cette boîte falsifiée récupérée en Afrique. La contrefaçon peut aussi porter sur la notice, l’emballage et – plus dangereux –, sur le contenu. Les boîtes frauduleuses, une fois analysées, sont classées par familles. Dans ce laboratoire de Sanofi créé en 2007 à Tours, arrivent du monde entier des médicaments présentés comme des marques du géant français. L’an dernier, 2400 produits y ont été vérifiés.

Dans certains, le principe actif est surdosé ; dans d’autres il est sous-dosé, voire inexistant. Parfois, les médicaments falsifiés sont des vrais, mais périmés ou sans autorisation de mise sur le marché. Les excipients peuvent être modifiés avec des substances toxiques : des enfants haïtiens ont ingéré du «sirop de paracétamol» contenant de l’antigel de batterie de voiture. Au Niger, de l’eau de rivière a remplacé un vaccin contre la méningite… Le chanteur Prince a succombé en 2016 à une overdose d’un opiacé très puissant, le fentanyl. Or, semble-t-il, l’Américain croyait prendre un autre anti-douleur, moins puissant. Chaque année, l’OMS estime que les faux médicaments seraient responsables de 700 000 décès.
Si Sanofi est l’un des premiers à s’être penché sur ces trafics, c’est pour «protéger [sa] réputation, mais surtout par devoir éthique», insiste Geoffroy Bessaud. Le vice-président chargé de coordonner la lutte contre la contrefaçon dans le groupe explique : «Des mafias se sont mises à la contrefaçon de médicaments. Internet a facilité leur diffusion : la plupart des 50 000 sites qui vendent des médicaments en écoulent des faux. Cette activité est très lucrative : pour 1 000 dollars investis, l’héroïne en rapporte 20 000, les médicaments jusqu’à 500 000. Au total, le chiffre d’affaires est estimé à 200 milliards de dollars contre 75 millions il y a quelques années.» Soit plus que le trafic de drogue.

Cette explosion frappe surtout les pays pauvres – la France est plutôt protégée par ses pharmacies, seules autorisées à vendre des médicaments sur Internet. A 88 ans, le Pr Marc Gentilini, délégué de la Fondation Chirac pour l’accès à des médicaments et à une santé de qualité, s’insurge : «Ce drame est inacceptable. Le monde entier n’a pas assez pris conscience des difficultés de santé publique liées aux médicaments falsifiés. Ces truands sont des tueurs. Comme pour le sida, l’OMS n’a pas alerté suffisamment tôt sur cette problématique.» Cela ne semble guère émouvoir les Etats. La convention Medicrime, qui criminalise la falsification de médicaments, entrée en vigueur en 2016, n’a été ratifiée que par onze pays.

Anne-Sophie Lechevallier
Paris Match (08/12/17)

——————————————–

En France, des saisies en hausse de 180%

C’est une première sur le territoire. En février, trois laboratoires clandestins ont été mis au jour à Cherbourg par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp). Les trafiquants fabriquaient un produit supposé lutter contre le cancer, la sclérose en plaques, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson… Vendu sur Internet entre 400 et 600 euros la fiole, il était envoyé vers cinquante pays. En dix-huit mois, ce réseau aurait expédié 5400 colis. «Ce produit, sans aucune autorisation de mise sur le marché, ne contenait pas de principe actif : c’était de la poudre de perlimpinpin», explique Christophe Le Gallo, commandant en second de l’Oclaesp. L’instruction est en cours. Les saisies de produits pharmaceutiques prohibés par les douanes ont progressé de 180% en 2016, avec 4,2 millions d’unités. Les trois quarts des contrefaçons concernent des commandes sur Internet et ont été réalisées sur des colis. L’an dernier, les enquêteurs ont remarqué que le premier pays de provenance était l’Inde, suivie par Singapour. Les contrefaçons des produits de confort, comme ceux pour lutter contre le dysfonctionnement érectile, sont très répandues. «Mais nous observons une diversification avec des falsifications d’anti-inflammatoires, d’antidouleurs, ou d’antiseptiques», souligne-t-on aux douanes.

Soirée des trophées de l’innovation de l’INPI à la Gaieté lyrique

J’étais hier soir à la soirée des trophées de l’innovation de l’INPI à la Gaieté lyrique.

LAURÉAT CATÉGORIE MARQUE
Moulin Roty : le cadeau de naissance depuis 45 ans
Moulin Roty, du nom du hameau où la marque est née, propose depuis des décennies une large gamme de cadeaux de naissance et jouets pour enfants dans un univers créatif unique.

LAURÉAT CATÉGORIE BREVET
Poietis : pionnière de la bio-impression par laser
Pourra-t-on bientôt imprimer en 3D du tissu humain et l’implanter chez des patients ? C’est l’ambition de Poietis qui conçoit et développe des tissus biologiques.

LAURÉAT CATÉGORIE DESIGN
ExpliSeat : les sièges d’avion les plus légers au monde
Grâce à la combinaison de nouveaux matériaux (composite et titane) et un design repensé, la start-up parisienne fabrique des sièges de transport ultra-légers.

LAURÉAT CATÉGORIE RECHERCHE
L’Institut Lumière Matière : la lumière pour façonner la matière
Unité mixte de recherche en physique et physico-chimie, l’ILM travaille la synthèse et la caractérisation de la matière.

Les propositions de lutte contre le piratage et la contrefaçon divisent les opérateurs économiques

Bruxelles, 01/12/2017 (Agence Europe) – Les propositions de la Commission européenne pour renforcer la lutte contre le piratage et la contrefaçon ont été accueillies de façon très contrastée par les acteurs du secteur économique, certains saluant l’option choisie de l’institution de ne pas présenter d’initiative législative, d’autres, au contraire, le regrettant.

La Commission européenne a présenté, mercredi 29 novembre, une série de mesures pour renforcer la lutte contre le piratage et la contrefaçon, dont notamment des orientations pour la directive ‘IPRED’ relative au respect des droits de propriété intellectuelle (directive 2004/48/CE) (EUROPE 11915).

ETNO, l’association européenne des exploitants de réseaux de télécommunications, a salué la décision de l’institution. Pour Caterina Bortolini, présidente du groupe de travail sur le marché unique de l’ETNO, les orientations et l’autorégulation constituent « le meilleur outil » en vue d’assurer les droits fondamentaux et l’innovation à l’heure du numérique. Pour l’organisation, l’harmonisation et la cohérence dans la mise en œuvre de la législation européenne sont cruciales et elle salue l’approche ‘follow the money’.

Au contraire, pour les membres de l’Alliance ‘Ensemble contre la contrefaçon’, qui regroupe 80 entreprises du secteur industriel, le compte n’y est pas, étant donné que le paquet de mesures de la Commission ne comporte aucune initiative législative contraignante. Clarifier la directive IPRED, calculer les dommages moraux, délimiter l’étendue de l’injonction et la clarification du concept d’« intermédiaire » sont des bons points, mais les propositions de la Commission ne permettront pas de lutter contre la contrefaçon. L’organisation appelle la Commission à instituer des dispositions juridiques contraignantes pour tous les acteurs de la chaîne de valeur.

Pour Michelle Gibbons, directrice générale de l’Association européenne des industries de produits de marque (‘European Brands Association’), sans des mesures contraignantes, la contrefaçon va croitre « massivement » et impacter la santé et la sureté des citoyens européens. (Pascal Hansens)

Lutte contre la contrefaçon: le plan de Bruxelles déçoit

La Commission européenne mise sur l’autorégulation des grandes plate-formes. Une alliance de 80 grandes marques réclame des obligations légales et dénonce une «occasion manquée ».

Un bien importé sur vingt dans l’Union européenne est contrefait ou piraté. Leur poids économique se compte en dizaine de milliards d’euros et les enjeux de santé et de sécurité sont conséquents. Mais Bruxelles veille ! Mercredi, la Commission européenne a présenté une série de mesures visant à contrer plus efficacement ces atteintes à la propriété intellectuelle.

Adidas, Chanel, Nike

Ce « paquet », promis depuis plus de deux ans, était très attendu de l’industrie. Sa déception n’en est que plus forte. « L’alliance contre la contrefaçon » ad hoc lancée en 2016 par 80 grandes entreprises et marques renommées (Adidas, BASF, Chanel, HP, Loréal, LVMH (propriétaire des « Echos »), Nike, Philips, Pernod-Ricard…) a immédiatement dénoncée « une occasion manquée ».

Depuis des mois,  ils réclament par courrier à Jean-Claude Juncker des mesures radicales , en particulier contre la contrefaçon en ligne, où « il est plus facile d’atteindre et de tromper les consommateurs ». Concrètement, ils souhaitent que les plates-formes de type Amazon contrôlent mieux ce qui se vend par leur intermédiaire et, surtout, soient tenues responsables si des produits contrefaits subsistent dans leur catalogue.

Auto-régulation

La Commission n’a pas souhaité en arriver là. Reprenant la logique aussi en place pour la lutte contre les propos haineux, elle a réaffirmé vouloir continuer à miser plutôt sur l’autorégulation, via le « memorandum of understanding » signé en 2016 avec les grandes plate-formes. Elles s’engagent dans cette forme d’accord à l’amiable a accentuer la lutte contre le recours à leur service pour promouvoir et vendre des produits ne respectant pas la liberté intellectuelle.

Front des entreprises

« L’autorégulation produit des résultats », affirme la Commissaire pour le marché intérieur, Elzbieta Bienkowska. « De tels accords permettent de prendre des mesures contre la contrefaçon et le piratage pouvant être mises en œuvre plus rapidement que les actions en justice », insiste l’exécutif européen. Au contraire, «  la prolifération des contrefaçons démontre les limites de l’approche actuelle », insiste le front des entreprises dans leur communiqué, qui appellent à « des obligations légales pour tous les acteurs de la chaîne ».

Pas de nouvelle directive

Le projet de la Commission s’appuie en outre sur orientations fournissent des clarifications sur les modalités d’application de la directive de 2004 sur la protection des droits de propriété intellectuelle (IPRED). Bruxelles estime qu’une refonte de la directive n’est pas nécessaire, ses difficultés d’application venant en premier lieu des interprétations divergentes que pouvaient en faire les Etats. Le paquet de mesures ambitionne enfin de réduire l’arrivée en Europe de produits contrefaits en renforçant les programmes de coopération avec les pays tiers (Chine, Asie du Sud-Est, Amérique latine).

Derek Perrotte
Bureau de Bruxelles

lesechos.fr (30/11/17)

La Commission européenne veut renforcer la lutte contre la contrefaçon et le piratage

Bruxelles, 29/11/2017 (Agence Europe) – La Commission européenne a annoncé, mercredi 29 novembre, plusieurs mesures pour améliorer la protection de la propriété intellectuelle en Europe et lutter plus efficacement au niveau international contre la contrefaçon et le piratage du savoir-faire européen. Aucune initiative législative n’est annoncée, mais une série de rapports et, notamment, des lignes directrices sur la directive de 2004 sur la propriété intellectuelle.

L’objectif de l’institution, a expliqué la commissaire pour le Marché intérieur et l’Industrie, Elżbieta Bieńkowska, est de lutter contre les « gros poissons », selon ses propres termes, qui sont à l’origine de la production de produits contrefaits et piratés, et de faire de l’Europe le leader mondial en matière de brevets avec un système de licences en faveur du développement de l’Internet des objets.

Et pour cause, la Commission européenne rappelle que les produits contrefaits et piratés représentent 2,5% de la valeur des échanges mondiaux, et que leur production continue de progresser. En Europe, environ 5% de l’ensemble des importations seraient des biens ou services issus de la contrefaçon ou du piratage pour une valeur estimée à 85 milliards d’euros.

L’institution explique vouloir adopter une approche dite « follow the money » (suivre l’argent), qui met l’accent sur les flux financiers pour se concentrer sur les entreprises à l’origine de la contrefaçon, plutôt que sur les particuliers. Objectif : priver les contrevenants de leurs revenus.

En ce sens, la Commission veut clarifier, grâce à des orientations, les questions d’interprétation de la directive ‘IPRED’ relative au respect des droits de propriété intellectuelle (directive 2004/48/CE), étant donné que le texte de loi fait l’objet d’interprétations et de mises en œuvre divergentes. L’Allemagne ferait ainsi office de bon élève, tandis que les États membres du Sud seraient moins efficaces en la matière. Une source explique que les orientations sont d’application immédiate, contrairement à une initiative législative. C’est là un point important, étant donné que la fin du mandat de la Commission européenne se profile à l’horizon.

Les orientations, particulièrement techniques, précisent les modalités pour adresser une injonction à une plateforme en ligne et détaillent que certaines dispositions de la directive ne s’appliquent qu’aux atteintes commises « à l’échelle commerciale », notion que clarifie également la Commission à la lumière de l’avantage commercial conféré par les atteintes aux droits de propriété intellectuelle (DPI), ou encore expliquent qu’il est possible de demander des dommages et intérêts pour le préjudice matériel, mais aussi pour le préjudice moral.

Par ailleurs, la Commission insiste sur la coopération volontaire en rappelant le protocole d’accord sur la vente de contrefaçons sur Internet, qui a été signé par une série d’acteurs économiques en juin 2016. Sur ce point, la Commission indique travailler avec des représentants du secteur de la publicité pour mettre sur pied un nouveau protocole d’accord sectoriel et ajoute qu’un protocole d’accord portant sur les services de paiement est en passe d’être conclu, ainsi qu’un autre avec le secteur du transport et de l’expédition.

Sur le plan international, la Commission compte renforcer les programmes de coopération avec les pays tiers, notamment la Chine, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine. Pour ce faire, l’institution compte étendre « l’expérience positive » du programme « IP KEY » entre l’UE et la Chine à tous les États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). En outre, la Commission veut créer une liste de veille relative aux marchés à risque pour l’application des DPI dans les pays tiers en collaboration avec l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle (EUIPO Observatory). Elle lancera à ce titre une consultation publique sectorielle. Cette liste devrait être présentée lors du second semestre de 2018. La Commission compte évaluer l’application du plan d’action douanière 2013-2017 de l’UE concernant les atteintes à la propriété intellectuelle et veut apporter une aide ciblée aux autorités douanières nationales.

Enfin, la Commission présente ses orientations et recommandations sur les brevets essentiels à une norme (BEN). Il s’agit des brevets qui portent sur des technologies essentielles à la mise en œuvre d’une norme ou de spécifications techniques spécifiques pour des produits interopérables tels que les téléphones mobiles ou autres appareils connectés qui utilisent, par exemple, les réseaux 3G ou 4G. La Commission veut rendre plus transparentes et plus stables les licences pour sécuriser les acteurs économiques qui veulent recourir à ces technologies, l’objectif sous-jacent étant de faciliter l’essor de la 5G et de l’Internet des objets.

Dans ce cadre, la Commission souhaite créer un groupe d’experts dédié aux droits de la propriété intellectuelle en se concentrant sur l’octroi de licence, la valorisation des DPI et la détermination des conditions dites « FRAND », les conditions moyennant lesquelles les détenteurs de brevets BEN mettent leur technologie à la disposition des utilisateurs de la norme. La Commission lancera un projet pilote pour évaluer les brevets BEN pour éventuellement prendre des mesures supplémentaires pour améliorer l’octroi des licences.

Ces initiatives étaient prévues dans le cadre de la stratégie du marché unique présentée en octobre 2015 (EUROPE 11417, 11419). (Pascal Hansens)