Dans le classement 2019 de l’Inpi publié ce vendredi en exclusivité par « Les Echos », le constructeur automobile regagne son titre de champion de France des brevets. Il l’avait détenu haut la main entre 2007 et 2015, avant de le perdre au profit de Valeo.
Les Echos / Par Chantal Houzelle / Publié le 26 juin 2020 à 7h30
C’est le grand retour du groupe PSA en tête de la course à l’innovation en France. Trois ans après avoir cédé à Valeo le titre très convoité de plus grand déposant de brevets qu’il avait détenu haut la main entre 2007 et 2015, le constructeur automobile reprend les commandes du palmarès 2019 de l’Inpi, publié ce vendredi en exclusivité par « Les Echos ».
Ce classement n’est pas impacté par la grave crise économique qui se profile, car il comptabilise les brevets déposés entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018, compte tenu du délai légal de publication de dix-huit mois. En revanche, la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 qui a mis le pays quasi à l’arrêt pendant deux mois risque fort de peser sur la stratégie de propriété industrielle (PI) des entreprises et sur leurs budgets de R & D.
« Il faut être attentif à deux indicateurs importants : l’évolution du niveau des dépôts et l’éventuelle rationalisation des portefeuilles de brevets », explique Pascal Faure, directeur général de l’Inpi. « Lors de la dernière crise de 2008, nous avions constaté que les effets sur les brevets se font sentir avec un décalage de 10 à 12 mois et avions observé une encoche de l’ordre de 3 % à la fin 2009, puis la courbe avait repris son rythme normal », rappelle-t-il.
Erosion prévisible de 5 à 10 % en 2020
Pour l’heure, l’Inpi n’a enregistré aucun signe de ralentissement du rythme des dépôts de brevets en France, qui se chiffrent à environ 16.000 par an. Mais, selon ses premières évaluations, « nous pourrions avoir une érosion de 5 à 10 % d’ici à la fin 2020. Il y a aussi la question clé du coût du portefeuille, car c’est un actif qui pèse pour avoir des lignes de crédits ou des prêts. A ce stade, nous n’avons pas senti une volonté des grands déposants de chambouler leur stratégie ».
C’est la conjonction de trois facteurs qui a conduit PSA à remonter en pole position du palmarès. Après avoir rationalisé son portefeuille de brevets en France qui avait nettement décéléré de 1.378 en 2013 à 930 en 2016, le groupe est reparti sur une trajectoire ascendante pour arrêter son compteur à 1.183 demandes publiées en 2019 (+ 10 % par rapport à 2018).
« Nous protégeons de manière efficiente les innovations stratégiques développées par nos différents centres de R & D dans le monde, afin de créer de la valeur et de reconnaître le talent des femmes et des hommes du groupe qui les ont conçues. Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de la crise que nous traversons », souligne Francis Fernandez, directeur de la PI du groupe PSA. Ces innovations correspondent aux technologies liées à l’électrification et aux aides à la conduite.
Forte progression de Faurecia
PSA a aussi profité du bond en avant de sa filiale Faurecia, dont la stratégie de PI est totalement indépendante mais le score consolidé dans ses 1.183 brevets. L’équipementier automobile affiche une progression de + 99 %, à 221 demandes publiées, qui le fait entrer dans le Top 10. « Face à la crise, Faurecia a décidé de recentrer sa stratégie d’innovation sur le développement de solutions à forte valeur ajoutée, mais entend maintenir une politique forte de propriété intellectuelle avec un niveau élevé de premiers dépôts de brevets, semblable à celui de 2019 », explique Christophe Aufrere, Chief Technology Officer de Faurecia. « Au cours des deux années à venir, nous entendons investir en priorité dans les technologies liées au cockpit du futur et à la mobilité durable ».
A contrario, Valeo, qui avait produit une puissante accélération depuis trois ans, accuse un net recul de 1.355 à 1.034 brevets qui lui coûte la première place du palmarès. « L’idée n’est pas de mener une politique du nombre en matière de brevets, mais bien de coller à la stratégie d’innovation du groupe, avec une très forte intégration de la propriété intellectuelle », justifie Murielle Khairallah, directrice de la propriété intellectuelle du groupe Valeo, qui a néanmoins maintenu son effort de R & D à plus de 2 milliards d’euros en 2019.
Réduction du budget R & D de Safran
Pour sa part, Safran consolide largement sa troisième place avec 871 demandes publiées l’an dernier (783 en 2018). En dépit de la crise, « on a décidé de ne pas faire évoluer notre stratégie de PI, bien que notre capacité d’autofinancement de l’innovation va baisser de 30 % en 2020, dans la même proportion que les dépenses de R & D du groupe qui ont représenté 1,7 milliard en 2019 », précise Jean-Marc Brunel, directeur de la PI de Safran.
« En 2019, on a déposé 1.200 premières demandes de brevets, dont 1.000 en France et les autres majoritairement aux Etats-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Cette année, on devrait enregistrer une baisse de 10 % du nombre de dépôts, mais rester au-dessus des 1.000 », assure Jean-Marc Brunel.
À l’occasion de la dernière journée mondiale
anti-contrefaçon, l’Office de l’Union européenne pour la propriété
intellectuelle (EUIPO) a publié son rapport de situation 2020 sur les
atteintes aux droits de propriété intellectuelle.
Ce document rassemble les résultats d’études que l’Observatoire
européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle a récemment
réalisées pour le compte de l’EUIPO.
L’EUIPO rappelle notamment que :
la contribution totale des secteurs à forte
intensité de DPI à l’économie de l’UE représente environ 45% du PIB et
29% de l’emploi (ainsi que 10% supplémentaires générés dans les secteurs
qui fournissent des biens et des services aux secteurs à forte intensité de
DPI) ;
les secteurs à forte intensité de DPI
représentent l’essentiel des échanges de l’UE avec le reste du monde, générant 96%
des exportations de marchandises de l’UE ;
les secteurs à forte intensité de DPI paient à
leurs employés des salaires supérieurs de 47% à ceux des autres secteurs ;
les PME faisant usage de DPI sont « plus
susceptibles de connaître une croissance dans les années à venir que les autres
entreprises ».
Pour ce qui concerne la contrefaçon et le piratage, l’EUIPO
constate que :
la violation des DPI est « une activité
criminelle lucrative, dont le niveau de risque est relativement faible, au
regard de la probabilité de détection et de sanction, si elle est détectée » ;
les groupes criminels organisés « sont
fortement impliqués dans la contrefaçon et le piratage » (leur mode
opératoire « devient de plus en plus complexe en raison de l’évolution de
la technologie et des canaux de distribution, ainsi que de l’étendue des
produits de contrefaçon ») ;
les atteintes aux DPI « sont souvent
associées à d’autres formes de criminalité » (blanchiment d’argent,
traite des êtres humains, travail forcé) ;
les contrefacteurs recourent abondamment à l’Internet
pour distribuer leurs produits et promouvoir la distribution et la consommation
de contenus numériques illégaux ;
près de 7% des importations de l’UE (121
milliards d’euros par an) sont des produits de contrefaçon ;
16,6% de l’ensemble des marchandises de
contrefaçon saisies par les douanes dans les échanges internationaux portent
atteinte aux DPI d’entreprises établies en France ;
les pertes dans onze secteurs dans l’UE du
fait de la contrefaçon « se sont élevées à plus de 83 milliards d’euros
par an au cours de la période 2013-2017 » (plus de 671.000 emplois ont
été perdus dans les entreprises légitimes, les États membres ont perdu 15
milliards d’euros de recettes fiscales par an) ;
les médicaments « à la mode »
et les médicaments destinés à traiter des maladies graves (antibiotiques,
traitements contre le cancer ou les maladies cardiaques, etc.) « sont
susceptibles d’être contrefaits, avec des conséquences potentiellement
mortelles pour les patients qui consomment ces médicaments » ;
la pandémie de COVID-19 a incité les
contrefacteurs à se tourner « vers la production de faux kits de test,
d’équipements de protection individuelle de contrefaçon et, avant même
que les traitements aient été approuvés par les autorités, de faux
médicaments censés guérir la maladie » ;
les dangers pour la santé et la sécurité des
consommateurs découlant des produits de contrefaçon comprennent « l’exposition
à des produits chimiques dangereux et à des produits toxiques pouvant causer
des dommages aigus ou à long terme à la santé, par étouffement, chocs
électriques, incendies et divers types de blessures » ;
les faux pesticides « peuvent
causer des dommages à la fois aux agriculteurs qui les appliquent sur leurs
cultures et aux consommateurs qui consomment les produits qui en résultent » ;
plusieurs facteurs incitent les consommateurs
à acheter des produits de contrefaçon et à accéder illégalement à du contenu
protégé par un droit d’auteur (prix moins élevés, accessibilité aisée, faible
degré de stigmatisation sociale) ;
les jeunes Européens « sont moins
susceptibles de consommer des contenus numériques piratés, mais légèrement plus
enclins à acheter des produits de contrefaçon ».
Pour faire face aux défis posés par la contrefaçon et le
piratage, l’EUIPO :
fournit aux titulaires de DPI des « informations
sur l’évolution du paysage dans lequel sont réalisées les atteintes » ;
collabore avec Europol pour « apporter
des réponses plus globales aux atteintes à la PI » (participation
au financement d’une unité spécialisée d’Europol) ;
contribue à la formation des agents des
services répressifs dans toute l’UE, en collaboration avec le Collège
européen de police (CEPOL) ;
soutient « les efforts déployés par la Commission
européenne pour lutter contre l’offre de produits de contrefaçon dans les
pays tiers » ;
a mis en place un portail numérique « permettant
aux titulaires de droits et aux autorités répressives de partager des
informations de manière sécurisée, de collecter des données sur le respect des
droits en vue d’une analyse plus approfondie et de fournir des informations sur
les atteintes commises par des tiers et sur les activités de la Commission
européenne dans le domaine de la lutte contre les atteintes à la PI » (IP
Enforcement Portal) ;
mène des « travaux sur les nouvelles
technologies qui pourraient jouer un rôle important dans la lutte contre
les atteintes et sur la collaboration avec des intermédiaires tels que les
marchés du commerce électronique pour renforcer la protection de la PI dans l’environnement
en ligne ».
A la tête de l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), Christian Archambeau déplore la lutte incomplète des Européens contre les produits contrefaits. A ses yeux, les PME ne pensent pas assez à protéger leurs produits et leurs designs en Europe. Les fraudeurs s’engouffrent dans la brèche.
Les Echos Par Richard Hiault Publié le 10 juin 2020 à 9h00Mis à jour le 10 juin 2020 à 16h38
Comment expliquez-vous que les activités de piratage soient aussi florissantes ?
C’est une activité dont les marges bénéficiaires sont très importantes. De surcroît, le risque, pour un contrefacteur, d’être pris et la peine qu’il encourt sont très faibles par rapport à d’autres activités criminelles. Résultat : le commerce de produits contrefaisants représente environ 3,3 % du commerce mondial. Leur part dans les importations de l’Union européenne atteint même le chiffre de 6,8 %, soit 120 milliards d’euros. Un produit sur douze importés en Europe est un faux. Si la production vient bien souvent de Chine, d’Inde et du sud est-asiatique, l’acheminement passe par l’Albanie, l’Egypte, le Maroc et l’Ukraine. Là où se trouvent des zones franches, à l’instar des Emirats arabes unis, j’observe une augmentation significative de l’activité de commercialisation de produits contrefaisants par rapport à un pays qui n’en est pas doté.
Les
moyens mis en oeuvre pour lutter contre cette fraude sont-ils à la
hauteur en Europe ? L’appareil judiciaire européen est-il adapté ?
Non.
Jusqu’en 2017, la lutte contre la contrefaçon de produits mettant en
danger la santé humaine figurait parmi les priorités de lutte contre la
criminalité des Européens. La montée du risque terroriste l’a reléguée
au second plan. C’est pourquoi nous militons pour que le respect de la
propriété intellectuelle redevienne une priorité. C’est d’autant plus
urgent que la commercialisation des produits contrefaisants illicites
passe par Internet et que la distribution s’effectue par l’envoi de
petits paquets. Si l’Europe est assez bien organisée pour vérifier les
containers reçus dans les ports, elle l’est bien moins pour surveiller
ces petits colis. Cela demande énormément de moyens. La croissance
importante des volumes nous inquiète.
Observez-vous de nouvelles tendances sur le marché des produits contrefaisants ?
Les contrefacteurs suivent la mode du moment et observent les tendances de la consommation. Avec la crise sanitaire du Covid-19, l’offre de masques, de blouses, de tabliers contrefaisants a fortement augmenté. Autre tendance de fond : la forte augmentation de la distribution de programmes audiovisuels illégaux par Internet (télévision par Internet). L’office estime, pour l’Europe, à un milliard d’euros les revenus illégaux versés à ces fraudeurs. 13 à 14 millions d’Européens ont souscrit à ces programmes. Cela va du piratage de retransmission d’événements sportifs à la diffusion illégale de séries TV ou de films.
La
commercialisation de produits contrefaisants utilise de plus en plus
Internet. Les plateformes d’e-commerce sont-elles en cause ?
Le
problème est plus nuancé. Il est difficile pour les plateformes
d’e-commerce de distinguer un produit contrefaisant illicite d’un
produit véritable. Des millions de produits transitent sur ces
plateformes de ventes. Elles se basent en priorité sur les plaintes de
leurs clients. Je note cependant une volonté politique de durcir leur
réglementation. Pour notre part, nous avons organisé des rencontres avec
ces plateformes. Certaines commencent à développer leur propre
écosystème : elles demandent aux entreprises qui utilisent leur service
de coopérer en divulguant des informations sur l’authenticité de leurs
produits pour mieux combattre la contrefaçon. Cela inquiète les
entreprises qui craignent aussi, de ce fait, l’apparition de produits
concurrents que lanceraient les plateformes elles-mêmes. D’où l’intérêt
de mieux protéger la propriété intellectuelle.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?
Un
énorme travail reste à faire auprès des petites et moyennes entreprises
qui n’y pensent pas forcément. Les PME ont tendance à travailler en
secret jusqu’à la commercialisation de leur produit sans penser à
protéger la marque ou le design dès le début. Elles trouvent les
démarches compliquées et trop coûteuses. Ce qui à mon sens est faux. La
protection d’une marque pendant 10 ans coûte 900 euros et la protection
d’un design 300 euros. C’est une somme bien faible par rapport aux
montants que vous devrez consacrer en frais d’avocat si vous vous
apercevez que vous avez été copié. Et c’est bien moindre que le dépôt
d’un brevet dont la procédure d’obtention prend plusieurs années et dont
le coût s’élève à 40.000 euros. Les PME ont tendance à penser au brevet
et pas à la protection de la propriété intellectuelle au sens large.
Aujourd’hui, seulement 9 % des PME, en Europe, ont une telle protection
et détiennent l’un ou l’autre titre de propriété intellectuelle. Ce sont
notamment les PME allemandes et italiennes qui ont eu le plus de
réflexes. Les PME françaises, elles, sont dans la moyenne.
Richard Hiault
La contrefaçon prospère plus que jamais en Europe
La commercialisation de produits de contrefaçon en Europe fait perdre aux gouvernements 15 milliards d’euros de recettes fiscales, selon les estimations de l’EUIPO. Ce commerce illicite entraîne la perte de plus de 400.000 emplois directs dans l’Union.
Par Richard HiaultPublié le 10 juin 2020 à 9h00Mis à jour le 10 juin 2020 à 16h56
Au
printemps 2019, une opération menée par Europol dans les principaux
ports, aéroports et postes frontières de l’Europe permettait la saisie
de 550 tonnes de pesticides contrefaits. En novembre 2019, une opération
conjointe de l’Union européenne et des Etats-Unis entraînait la saisie
de 30.500 noms de domaine ayant distribué des articles piratés et des
produits de contrefaçon sur Internet. Parmi eux : des produits
pharmaceutiques, des films, des diffusions télévisées illicites, de la
musique, des logiciels, de l’électronique et d’autres produits bidon.
Une activité prospère
La contrefaçon de sacs de luxe, vêtements, chaussures de marques et produits « high tech » se porte toujours à merveille . C’est l’un des constats de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans son rapport annuel publié mercredi à l’occasion de la journée mondiale de la lutte anti-contrefaçon.
Pour l’office, la violation des droits de
propriété intellectuelle est un business sérieux : la valeur annuelle
des importations de produits de contrefaçon dans l’Union européenne
s’élève à 121 milliards d’euros, soit 6,8 % des importations en
provenance du reste du monde. Ces produits de contrefaçon entraînent la
perte de plus de 400.000 emplois directs, de 83 milliards d’euros de
ventes et de 15 milliards d’euros de recettes fiscales.
Les secteurs économiques les plus touchés par les activités de contrefaçon dans l’Union européenne.EUIPO
A
l’échelle européenne, la contrefaçon représente un manque à gagner de
19 milliards d’euros, dans des secteurs aussi variés que les
cosmétiques, les vins, les médicaments et les jouets. Les pertes pour le
secteur des cosmétiques et des soins personnels ont progressé de plus
de 2,5 milliards d’euros sur un an. « C’est la plus forte augmentation de tous les secteurs analysés »,
souligne l’Office. Environ 14 % des ventes du secteur (9,6 milliards
d’euros) sont perdues chaque année en Europe en raison des copies et des
faux. Rien qu’en France, ce chiffre est de 12,5 %, soit l’équivalent de
1,5 milliard d’euros (387 millions de plus).
Le crime organisé impliqué
« En plus d’entacher la réputation des entreprises, mettre à mal leur savoir-faire, détruire les emplois et polluer la planète, la contrefaçon est un danger non négligeable pour les consommateurs qui sont souvent ceux qui en paient le prix fort », alerte dans le communiqué de l’office, le président de l’Unifab , Christian Peugeot. Risques d’accidents domestiques, atteinte à la santé des éventuels consommateurs de produits illicites n’altèrent en rien les activités du crime organisé, de plus en plus impliqué dans le commerce de marchandises de contrefaçon. Les recherches menées par l’office et Europol confirment les liens étroits entre la contrefaçon et les autres formes graves de criminalité. Que ce soit le trafic de drogue ou le blanchiment d’argent. Pour l’EUIPO, il est plus que temps d’agir et de prendre le problème à bras-le-corps.
Richard Hiault
Contrefaçon : l’intelligence artificielle au secours de Rakuten
Les plateformes de commerce électronique facilitent le commerce de produits contrefaits. Depuis 15 ans, Rakuten a développé une approche via l’intelligence artificielle et une équipe dédiée qui lui permet de mieux sécuriser les transactions.
Par Richard Hiault Publié le 10 juin 2020 à 9h00Mis à jour le 10 juin 2020 à 16h20
Vecteurs privilégiés des professionnels de la contrefaçon pour écouler leurs produits frauduleux, les plateformes d’e-commerce peuvent vite se retrouver dans l’oeil de la justice. Rakuten a pris les devants . « Nous nous sommes engagés depuis une quinzaine d’années dans la lutte contre la contrefaçon », témoigne Mathieu Deshayes, responsable de la gestion du risque. Aujourd’hui, la société qui a racheté en 2010 Priceminister se targue d’un taux de réclamation lié à la contrefaçon inférieur à 0,01 %.
Une dizaine de personnes dédiées
« Pour parvenir à ce résultat, nous nous appuyons sur une équipe d’une dizaine de personnes spécialement affectée à la détection de cas frauduleux. Nos équipes de recherche et développement ont également mis au point des algorithmes afin de détecter, en amont, tout comportement frauduleux des vendeurs présents sur notre plateforme », explique-t-il.
es systèmes de surveillance et d’alertes des
comportements suspects traquent les activités des vendeurs. Historique
d’activité du compte, type d’articles vendus, quantité… l’intelligence
artificielle (IA) est là en soutien. « Si
la vente d’un article de marque par un consommateur nous paraît
suspecte, nous demanderons, via notre système de messagerie, la facture
de cet article et sa photo pour nous assurer que ce n’est pas un faux »,
indique Mathieu Deshayes. Tant que l’acheteur n’est pas satisfait de
son achat, le vendeur n’est pas crédité du produit de la vente. « Si
la réclamation de l’acheteur est justifiée, celui-ci est remboursé quoi
qu’il arrive, grâce à la garantie Tiers de confiance qui le protège
gratuitement ».
Coopération avec les douanes
Tout objet acheté faisant l’objet d’une réclamation parce qu’il est suspecté d’être frauduleux est conservé dans les locaux de la plateforme. Il reviendra à un juge de prononcer qu’il s’agit d’un faux et aux douanes de le détruire.
Pour
les aider dans leur tâche, les équipes de surveillance de Rakuten font
régulièrement l’objet d’une formation avec les entreprises de marques. « Certaines
nous ont fourni de manière confidentielle quelques-uns de leurs secrets
de fabrication pour repérer plus facilement les faux. Les
contrefacteurs ont tendance à mettre trop d’étiquettes des grandes
marques sur leurs produits frauduleux pour convaincre l’acheteur », constate Mathieu Deshayes.
La high tech en poupe
Rakuten,
qui a reçu il y a quelques années une équipe des Douanes françaises,
coopère et peut les alerter sur certaines tendances. L’activité de
contrefaçon suit de près l’actualité et évolue selon les grandes
tendances du marché de la consommation. En pleine Coupe du monde de
football, ce sont des faux maillots de l’équipe de France qui étaient à l’honneur. Avec la crise sanitaire du Covid-19, ce sont les masques et gels hydroalcooliques. « L’an dernier, les faux AirPods d’Apple se sont distingués »,
remarque Mathieu Deshayes. Ces dernières années, d’ailleurs, les
produits high tech ont eu tendance à supplanter les produits de luxe,
les cosmétiques et les parfums. Comme quoi, même les contrefacteurs
suivent de près la mode du moment.
À
l’occasion de la journée mondiale anti-contrefaçon, il est essentiel de
rappeler les moteurs de notre lutte. Les conséquences de la contrefaçon sont
terribles pour notre santé économique et environnementale.
De plus,
dans le contexte de crise sanitaire, nous prenons davantage conscience du fléau
de la falsification des médicaments. Le marché noir se réjouit de l’épidémie et
se nourrit de la peur des populations pour étendre leur business de produits
contrefaisants. Ainsi, plus que jamais, nous devons rester vigilants et sensibiliser
le plus grand nombre contre l’achat de contrefaçons sur Internet. Aujourd’hui,
cela devient un impératif de santé publique.
Le Comité
national anti-contrefaçon, que j’ai l’honneur de présider depuis 2013,
intervient auprès d’acteurs publics et privés concernés par le respect des
droits de la propriété intellectuelle. Notre rôle est d’informer, de faciliter
les échanges, de proposer des idées et de coordonner nos actions. Chaque année,
l’un des membres du CNAC, l’Union des fabricants, mène une grande campagne de
sensibilisation sur les réseaux sociaux. En effet, la numérisation de notre
société, l’offre et la demande en un clic, l’étendue des choix sur le marché de
l’Internet rendent plus difficile notre combat.
Les
services des Douanes jouent un rôle clé dans la lutte contre les grands trafics
qui menacent la santé et la sécurité des consommateurs. Ces derniers doivent
aussi être responsables face à leur consommation et toujours vérifier la
provenance et l’authenticité de leurs achats. En 2019, 38% des Français ont
déclaré s’être fait berner en passant commande sur Internet.
À
l’échelle européenne, la contrefaçon coûte près de 500 000 emplois et privent
les États membres de 16,3 milliards d’euros de recettes fiscales. La lutte
anti-contrefaçon ne saurait reposer sur les seuls États membres. Elle doit
aussi devenir une priorité de l’Union européenne. À cet égard, je me réjouis de
la volonté du commissaire européen au Marché intérieur de présenter « assez
rapidement » un plan d’action en matière de propriété intellectuelle. Le
futur acte sur les services numériques devra aussi être l’occasion de renforcer
la lutte contre la cyber-contrefaçon. L’étroite coopération entre les agences
européennes (Europol, etc.) et les services nationaux est par ailleurs une
nécessité absolue et doit être fortifiée.
Le 4 juin, le ministre de l’action et des
comptes publics, Gérald DARMANIN, a présenté les résultats 2019 de la douane à l’occasion d’un
déplacement à l’aéroport de Roissy.
Pour la troisième année consécutive, le nombre
de saisies de contrefaçons est en baisse (4,5 millions de produits interceptés, soit une baisse de
16,7% par rapport à 2018).
Dans un communiqué publié à l’issue de la
présentation des résultats de la douane, l’Union des fabricants (Unifab) s’alarme
de cette baisse, qui est « constatée partout en Europe ».
Parmi les principaux types d’articles saisis figurent les
produits de soins corporels (985.876), les vêtements (522.796), les jeux,
jouets et articles de sport (389.404), les téléphones mobiles (317.278), les
chaussures (211.960), les accessoires personnels tels que les lunettes, les
sacs et les bijoux (177.988), les équipements électriques, électroniques et
informatiques (142.218), les produits alimentaires (110.576), les médicaments
(73.741), ainsi que les CD, DVD et logiciels (248).
Les évènements les plus marquants de l’année
2019 ont été :
le démantèlement, par la direction nationale du
renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), d’une structure clandestine
de confection et de commercialisation de parfum représentant quatre fois la
totalité des contrefaçons de parfums interceptées en 2018 ;
la saisie, par les douaniers de Roissy, de
324.000 timbres français et anglais de contrefaçon.
Dans son rapport annuel, la douane rappelle, d’une
part, que « le phénomène de la contrefaçon est amplifié par l’explosion
du commerce électronique » et, d’autre part, que « le rôle des
titulaires de droits pour mieux combattre la contrefaçon est central ».
À cet égard, il faut se réjouir de la hausse de 7,5% du nombre de demandes d’intervention déposées par les
titulaires de droits (+7,5% par rapport à 2018).
Pour ce qui concerne la lutte contre la
contrefaçon de cigarettes et de tabac à rouler, un dispositif de sécurité est en vigueur depuis le 20 mai
2019. Ce dispositif prend la forme d’une vignette apposée sur les produits. Il
sera étendu aux autres produits du tabac à compter du 20 mai 2024.
Je félicite une nouvelle fois les services
douaniers pour leur action en matière de lutte anti-contrefaçon.
Le 4 juin, ma question écrite relative à la protection des
dessins et modèles par le droit d’auteur a été publiée au Journal officiel.
Vous en trouverez, ci-dessous, le texte.
Question n° 16565 adressée à M. le ministre de l’économie et
des finances
M. Richard Yung attire l’attention de M. le ministre de l’économie
et des finances sur l’arrêt que la Cour de justice de l’Union européenne a
rendu le 12 septembre 2019 dans l’affaire Cofemel contre G-Star. Saisie par la
Cour suprême portugaise de questions préjudicielles relatives à la protection
des dessins et modèles par le droit d’auteur, la CJUE a répondu, d’une part,
que l’octroi d’une protection, au titre du droit d’auteur, à un objet déjà
protégé en tant que dessin ou modèle « ne saurait être envisagé que dans
certaines situations » et, d’autre part, que l’article 2, sous a), de la
directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation
de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de
l’information « doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une
législation nationale confère une protection, au titre du droit d’auteur, à des
modèles […], au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci
génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique ».
Il lui demande quelle analyse le Gouvernement fait de cet arrêt. Il lui demande
également si l’interprétation retenue par la CJUE n’est pas de nature à
remettre en cause « la règle, traditionnelle en France, du cumul total de
protection entre le droit d’auteur et le droit spécifique sur les dessins et
modèles, règle issue de la théorie de l’unité de l’art ».