Christophe
Blanchet, député du Calvados, a récemment déposé une question écrite
relative à la création d’une cellule anti-contrefaçon au sein de la police
nationale.
Question n°
32258 (publiée au Journal officiel le 22 septembre 2020)
M.
Christophe Blanchet interroge M. le ministre de l’intérieur sur la possible
création d’une cellule anti-contrefaçon au sein même de la police nationale.
Doter la police nationale d’une cellule spécifique de lutte contre les produits
contrefaisants permettrait de lutter plus efficacement sur le territoire
national contre un fléau qui touche presque la totalité des secteurs de
production. Des médicaments aux produits de luxe en passant par les jouets pour
enfant, ce sont autant de secteurs touchés de plein fouet par la contrefaçon.
La France est le deuxième pays le plus victime de contrefaçon dans le monde et
le premier en Europe. Dès lors, il lui demande s’il envisage la création de
cette cellule qui serait un acteur clef pour lutter mieux contre la
contrefaçon.
D’ici à la fin
de cette année, la Commission européenne doit présenter un paquet législatif
relatif aux services numériques. Elle entend notamment « fixer des
règles plus claires et modernes en ce qui concerne le rôle et les obligations
des intermédiaires en ligne, y compris ceux établis dans des pays tiers et
actifs dans l’UE, ainsi qu’un régime de gouvernance plus efficace pour assurer
l’application correcte de ces règles sur tout le marché unique de l’UE, tout en
garantissant le respect des droits fondamentaux ».
Selon le
commissaire européen chargé du marché intérieur, Thierry Breton, l’objectif
est de « trouver le bon équilibre entre un Internet sûr pour tous, la
protection de la liberté d’expression et un espace permettant l’innovation dans
le marché unique de l’UE ».
Afin de
permettre aux citoyens et aux parties intéressées de « s’exprimer sur la
manière de concevoir un cadre réglementaire moderne pour les services
numériques et les plateformes en ligne dans l’UE », l’exécutif européen a
organisé une consultation publique, qui s’est déroulée du 2 juin au 8
septembre.
Vous trouverez,
ci-dessous, ma contribution, qui porte sur la responsabilité des
plateformes numériques.
Je souhaite
attirer l’attention de la Commission sur le fait qu’Internet est devenu l’un
des principaux canaux de distribution des contrefaçons. En 2019, près de
29% des marchandises contrefaisantes interceptées par les douanes françaises
provenaient du commerce électronique, contre 1% il y a vingt ans.
Ce
constat préoccupant s’explique notamment par l’insuffisante diligence des
plateformes numériques,
qui sont soumises au régime de responsabilité limitée découlant de la directive
du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. L’absence d’obligation générale en
matière de surveillance des informations transmises ou stockées par les
prestataires intermédiaires a favorisé l’émergence d’un modèle économique de
l’Internet privilégiant la protection des grands acteurs au détriment de
certains droits fondamentaux, dont le droit de propriété intellectuelle.
Depuis l’entrée
en vigueur de la directive sur le commerce électronique, la distinction
entre les hébergeurs et les éditeurs a perdu de sa pertinence. Les hébergeurs ne
forment plus une catégorie homogène comprenant de simples intermédiaires
techniques. Nombre d’entre eux ont abandonné leur rôle de stockage passif de
données pour adopter une démarche plus active en :
publiant eux-mêmes des informations ;
vendant des espaces publicitaires et tirant des recettes qui dépendent du succès des contenus hébergés (mesuré au nombre de « clics ») ;
proposant un service aux internautes ;
exerçant, dans certains cas, une activité commerciale.
Les sites
collaboratifs dits « 2.0 » et les sites de vente aux enchères
figurent parmi les prestataires de services qui sont à mi-chemin entre les
hébergeurs et les éditeurs.
Stricto sensu, ils ne sont assimilables ni aux premiers, puisqu’ils vont
au-delà du simple hébergement technique, ni aux seconds puisqu’ils ne
déterminent pas les contenus qu’ils hébergent.
Depuis 2011,
je plaide pour la création, via la révision de la directive sur le commerce
électronique, d’un nouveau statut d’intermédiaire en ligne, à savoir celui d’éditeur
de services [*]. Ce nouveau statut s’appliquerait aux prestataires de
services qui retirent un avantage économique direct de la consultation des
contenus hébergés, y compris lorsque ces derniers sont illégaux (sociétés
diffusant des publicités à l’occasion de chaque consultation du contenu ;
sociétés dont la rémunération est proportionnelle au nombre de « clics »
effectués sur le lien hypertexte des annonceurs ; etc.).
Les
éditeurs de services seraient soumis à un régime de responsabilité
intermédiaire,
plus clément que celui des éditeurs mais plus sévère que celui des hébergeurs.
Concrètement, ils auraient l’obligation de mettre en place les moyens de
surveillance des informations qu’ils transmettent ou stockent ainsi que les
moyens de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités
illicites. Ce dispositif de surveillance devrait être conforme à l’« état
de l’art » (utilisation des technologies les plus avancées).
Par ailleurs, les éditeurs de services pourraient être tenus civilement ou
pénalement responsables lorsqu’ils auraient connaissance d’activités ou d’informations
manifestement illicites et qu’ils n’agiraient pas promptement pour retirer ces
informations ou en rendre l’accès impossible.
La
création d’un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes numériques
contribuerait à renforcer l’efficacité de la lutte contre la cyber-contrefaçon. De plus, elle permettrait d’harmoniser
les règles applicables aux droits de propriété intellectuelle, dans la mesure
où la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins
dans le marché unique numérique soumet déjà les plateformes à une obligation de
moyens.
Richard YUNG
Sénateur représentant les Français établis hors de France
Président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC)
_________
[*] Rapport d’information n°296 (2010-2011) sur l’évaluation de la loi
n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon (février 2011).
L’assemblée
générale du Comité national anti-contrefaçon (CNAC) s’est tenue le vendredi
11 septembre à Bercy (centre Pierre Mendès France), en présence de Christophe
Blanchet, député du Calvados, Ronan Le Gleut, sénateur représentant
les Français établis hors de France, Pascal Faure, directeur général de
l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), et Lucile Poivert,
conseillère chargée de la santé, des biens de consommation et de l’Europe au
cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances
et de la relance, chargée de l’industrie.
Après avoir
accueilli les participants, j’ai exprimé ma crainte de voir certains de nos
concitoyens porter des masques contrefaisants et donc non conformes aux normes
sanitaires. Cette crainte est alimentée par le constat que le fléau de
la contrefaçon est amplifié par la crise sanitaire. Grâce à la très forte
demande de produits médicaux, les contrefacteurs sont assurés de pouvoir
réaliser rapidement des profits importants. De nombreux produits médicaux de contrefaçon ont été saisis depuis l’apparition
du nouveau coronavirus. Outre des masques, des tests de dépistage, des
désinfectants et des médicaments ont été interceptés. Lors de mon dernier
séjour en Côte d’Ivoire, en février, de faux traitements contre la COVID-19
étaient déjà disponibles dans plusieurs commerces d’Abidjan. La période que nous traversons est source d’inquiétude. Elle peut aussi être
source d’opportunités. Elle est en effet de nature à renforcer l’efficacité
des actions de sensibilisation. Le CNAC doit par ailleurs saisir cette occasion
pour exiger que la lutte anti-contrefaçon soit enfin érigée en priorité
nationale et européenne.
En vue de définir une « nouvelle approche de la lutte contre la
contrefaçon », le Gouvernement a récemment confié à l’inspection générale
des finances (IGF) une mission de réflexion sur l’adéquation du dispositif
douanier aux nouveaux enjeux de la contrefaçon.
Au niveau européen, la Commission doit très prochainement présenter un plan
d’action sur la propriété intellectuelle. Il faut espérer que ce document
sera ambitieux et ouvrira la voie à des initiatives législatives fortes telles
que la révision de la directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits
de propriété intellectuelle, dite « IPRED ». Le CNAC devra par
ailleurs être très attentif aux propositions relatives à la protection des
dessins et modèles par le droit d’auteur.
Un autre temps fort sera la présentation de la future législation européenne
sur les services numériques. Là encore, il faut espérer que la Commission
fera preuve d’ambition et optera pour la création d’un nouveau régime de
responsabilité pour les plateformes numériques. Depuis 2011, je plaide pour la
création, via la révision de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce
électronique, d’un nouveau statut d’intermédiaire en ligne, à savoir celui d’éditeur
de services.
J’ai par ailleurs tenu à saluer la mémoire de Philippe Collier, qui est
décédé en août. M. Collier était notamment le fondateur et rédacteur en chef de
l’excellent site Contrefaçon Riposte. Il suivait avec beaucoup d’attention les
travaux du CNAC. L’an dernier, il avait assisté à l’assemblée générale, dont il
avait ensuite fait une présentation très détaillée dans un article intitulé « Le
CNAC en quête d’une nouvelle stratégie d’influence et de coopération ».
M. Faure s’est ensuite exprimé en sa qualité de
secrétaire général du CNAC. Il a rappelé qu’» aucun secteur de l’industrie
n’est épargné par les atteintes au droit de la propriété intellectuelle »
(cosmétiques, vêtements, jouets, vin, produits pharmaceutiques, etc.). Il a
également rappelé que « les produits contrefaisants ont un impact non
négligeable sur l’économie en termes d’emplois et de recettes publiques ».
Chaque année, la contrefaçon fait perdre à l’Union européenne 400.000 emplois
et 15 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales. « Rien n’est
respecté dans une contrefaçon : ni les normes obligatoires du produit, ni
la TVA, ni le paiement des droits de douane ». La France est le pays le plus concerné par la contrefaçon en Europe, et le
plus touché au monde derrière les États-Unis. Au regard de ce constat, M.
Faure a indiqué que la lutte anti-contrefaçon est une priorité pour l’INPI.
Il a aussi insisté sur le fait que « ce n’est qu’en agissant tous ensemble
que nous pouvons aider à renforcer la confiance des consommateurs, à défendre
les intérêts des entreprises légitimes et à stimuler la croissance dans le
monde entier ». Le CNAC « est et doit rester un lieu utile pour
favoriser l’échange d’informations, faciliter le partage de bonnes pratiques,
coordonner des actions concrètes et formuler des propositions de réforme ».
M. Faure a rappelé que la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la
transformation des entreprises, dite « loi PACTE », « vise à
mieux protéger les innovations des PME françaises ». Elle permet « d’adapter
le cadre existant de la propriété intellectuelle aux nouvelles pratiques,
renforcer la robustesse des titres et répondre aux besoins de toutes les
entreprises, y compris les plus petites, avec des voies d’accès plus souples ».
Les dispositions relatives à l’INPI et à la propriété industrielle ont été
mises en œuvre selon le calendrier prévu et sont toutes opérationnelles depuis
le 1er juillet dernier.
M. Faure a par ailleurs indiqué que « la lutte anti-contrefaçon est au
cœur des priorités du réseau des conseillers régionaux INPI ». Ces
derniers sont répartis dans dix pays. L’année 2019 a été marquée par la
création, au sein de l’ambassade de France en Côte d’ivoire, d’un poste de
conseiller pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Mme Poivert
juge « cruciale » la lutte contre la contrefaçon. Après avoir rappelé que la crise
sanitaire a mis en exergue la « fragilité de certaines chaînes d’approvisionnement »,
elle a présenté les grandes lignes du plan France Relance. Sur les 100
milliards d’euros mobilisés par l’État, 35 milliards d’euros seront
consacrés à l’industrie (soutien à l’innovation et à la relocalisation d’activités,
décarbonation de l’industrie). Mme Poivert a indiqué que « le volet
relatif à la propriété intellectuelle sera central ». La lutte anti-contrefaçon est de nature à garantir une concurrence loyale,
qui est « une nécessité ». De plus, elle contribue à renforcer
la confiance des consommateurs, qui souhaitent acheter davantage de
produits « made in France » et sont incités à dépenser l’épargne
de précaution accumulée pendant le confinement.
Mme Poivert a par ailleurs salué l’action des services de l’État (DGDDI,
DGCCRF, DGE, etc.), qui est « essentielle ».
Dans un
troisième temps, les co-présidents des quatre groupes de travail qui
composent le CNAC ont présenté le bilan des actions menées en 2019 et
tracé quelques perspectives pour les prochains mois.
Les principaux
dossiers suivis par le groupe « coopération internationale »
ont été présentés par Carole Bremeersch (INPI). Après avoir élaboré une cartographie
des problèmes rencontrés par les entreprises françaises à l’étranger, le
groupe a constitué quatre comités chargés d’approfondir les sujets
prioritaires.
Le comité « Afrique » sera animé par Caroline Rolshausen,
conseillère régionale pour les questions de propriété intellectuelle à l’ambassade
de France en Côte d’Ivoire. Il aura trois priorités : structuration et
formation des autorités locales (douanes, police, etc.) et reproduction du
modèle du comité ivoirien de lutte contre la contrefaçon (CNLC) dans d’autres
pays africains (Cameroun, Sénégal, Nigéria); incitation à la création, au sein
du Medef ivoirien, d’une structure telle que l’Union des fabricants (Unifab);
mise en place, au sein du service économique régional (SER) d’Abidjan, d’un
club anti-contrefaçon destiné aux entreprises françaises établies en Côte d’ivoire.
Le comité « look alike » sera animé par Jean-Claude
Masson, directeur juridique et lutte anti-contrefaçon du groupe Hermès. Il
se rapprochera du groupe de travail « aspects normatifs et juridictionnels »,
dont les travaux sur les droits d’auteur et les dessins et modèles constituent
des pistes intéressantes pour déterminer les meilleures bases juridiques pour
lutter contre les « look alike ».
Le comité « stockage, destruction et recyclage des contrefaçons »
sera animé par Yves-Alain Sauvage (Chanel), co-président du groupe de
travail « coopération internationale ». Il sera chargé d’étudier et
de lister les modes opératoires et les meilleures pratiques des autorités et de
faire un point sur les actions mises en place par les sociétés de commerce
électronique sur la destruction et les mesures de recyclage mises en place.
Le comité « routes de la soie » sera animé par Carole
Bremeersch. Il aura pour objectif d’établir un suivi régulier de l’impact
des nouvelles routes de la soie sur le niveau et la visibilité des contrefaçons
en Europe et sur la circulation des contrefaçons, tout en évaluant les actions
mises en place par les autorités chinoises auprès des autorités locales et en
proposant des actions à ces autorités, en lien avec les conseillers régionaux
de l’INPI.
L’Unifab a proposé de contribuer aux travaux de chaque comité.
Parmi les autres dossiers suivis par le groupe de travail figurent les importations
parallèles, les indications géographiques (IG) ainsi que la responsabilité
des prestataires intermédiaires. Ce dernier dossier pourra donner lieu à
une présentation, en coopération avec le groupe « cyber-contrefaçon »,
des travaux et réflexions de France Brevets sur la possibilité de créer une
norme AFNOR qui s’imposerait aux organismes de paiement (utilisation de la
technologie des chaînes de blocs).
Pour ce qui concerne
le groupe « sensibilisation et communication », la directrice
générale de l’Unifab, Delphine Sarfati-Sobreira, a indiqué que le CNAC
et l’INPI ont été associés à plusieurs évènements organisés par l’Unifab. La
dernière édition du Forum européen de la propriété intellectuelle (14 et
15 mars 2019) avait pour thème « L’éducation et la technologie, les enjeux
incontournables d’une propriété intellectuelle en évolution ». Le 6 juin
2019 s’est tenue la vingt-deuxième édition de la Journée mondiale anti-contrefaçon,
qui était consacrée à la sécurisation digitale (« Créer pour évoluer,
innover pour protéger »). Quant à la seizième édition de la campagne
estivale de sensibilisation aux dangers de la contrefaçon, elle avait pour
slogan « Les meilleurs plans n’en sont pas forcément ».
La directrice de la communication de l’INPI, Valérie Hochet, a, pour sa
part, souligné le rôle important joué par les chargés d’affaires de l’INPI,
qui conduisent des actions de sensibilisation dans les régions.
Elle a aussi indiqué que l’INPI met en ligne des articles consacrés aux
études réalisées par l’Office de l’Union européenne pour la propriété
intellectuelle (EUIPO) et l’Office européen des brevets (OEB). À l’occasion
de la publication, par l’OCDE et l’EUIPO, d’un rapport intitulé « Tendances
du commerce de contrefaçons et de marchandises pirates », l’INPI a mis en
ligne une interview de la coordinatrice du CNAC, Stéphanie Leguay, consacrée
aux bons réflexes à adopter pour éviter d’acheter de la contrefaçon.
Mme Hochet a également insisté sur l’importance des IG, qui « permettent
aux artisans et entreprises de valoriser leurs produits et de protéger leurs
savoir-faire de la concurrence déloyale et de la contrefaçon ». L’an dernier,
l’INPI a homologué deux nouvelles IG (« charentaise de Charente-Périgord »
et « pierres marbrières de Rhône-Alpes »). L’INPI a aussi organisé,
dans ses locaux, une exposition intitulée « Initiales IG » (30
octobre 2019-20 janvier 2020).
Mme Hochet a par ailleurs présenté les principaux axes de la nouvelle
convention de partenariat entre l’INPI et l’Unifab, signée début 2020 :
participation de l’INPI aux réflexions stratégiques sur la lutte
anti-contrefaçon; échanges d’expertises/compétences sur les actions de
sensibilisation; partenariat sur les actions de communication de l’Unifab
(FEPI, JMAC, campagne estivale, etc.); coopération internationale.
Co-présidé par Elsa
Amigues-Verbrugghe (direction générale des entreprises) et Marie
Acquaviva (Longchamp), le groupe « cyber-contrefaçon »
continue de réfléchir aux moyens de concrétiser l’approche dite « suivez
l’argent ». L’enjeu est de « convaincre les banques de participer
à la réflexion », en vue de la mise en place d’une procédure de
rétro-facturation (chargeback). À cet égard, Mme Acquaviva a rappelé
que la Cour des comptes recommande de s’inspirer de la procédure mise en œuvre
par le Centre antifraude du Canada (CAFC) et de confier le rôle de tiers de
confiance à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes (DGCCRF). Une conférence téléphonique sera
prochainement organisée avec le CAFC, la Société générale et la banque
canadienne TD.
Le deuxième axe de travail concerne le renforcement de la responsabilité des
prestataires intermédiaires.
Au cours de l’année
écoulée, le groupe « aspects normatifs et juridictionnels » a
suivi de près la transposition du « paquet marques » et la mise
en œuvre de la loi PACTE. Ces deux points ont été évoqués par le chef du bureau
de la politique tarifaire et commerciale de la direction générale des douanes
et droits indirects (DGDDI), Marc Dagorn, et la directrice des affaires
juridiques du LEEM (Les entreprises du médicament), Marianne Bardant.
Des travaux relatifs à l’impression 3D ont par ailleurs été menés dans
le cadre de la Fédération des industries mécaniques (FIM). Leur état d’avancement
a été présenté par Yves Blouin, responsable juridique à la FIM. Le 5
juillet 2019, la FIM a organisé – en partenariat avec le CNAC, l’INPI et le
Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) – une conférence
sur le thème « Fabrication additive et propriété intellectuelle : des
risques à prévenir, des opportunités à saisir ». Cette conférence a
permis d’ouvrir plusieurs pistes de réflexions : sensibilisation du public à la
protection de la propriété intellectuelle pour l’impression 3D ; mise en
jeu de la responsabilité des utilisateurs finaux et des plateformes d’intermédiation ;
promotion d’une offre légale ; réflexion sur le marquage par le biais d’un
identifiant unique afin d’en contrôler l’utilisation ; traçabilité des
objets imprimés en 3D ; création de bases de données de fichiers cryptés
et protégés ; conception d’imprimantes connectées et équipées d’un système
capable de gérer les droits de propriété intellectuelle ; promotion de la
coopération entre les fabricants et les plateformes pour mise à disposition des
professionnels et des consommateurs de fichiers fiables ; reprise des
réflexions sur le principe d’une rémunération pour copie privée. Ces pistes de
réflexion rejoignent celles formulées par le CSPLA, le CNAC et le Comité
anti-contrefaçon de la FIM (CAFIM). Elles seront approfondies par plusieurs
groupes de travail, qui doivent se réunir d’ici à la fin de cette année.
Des propositions doivent être formulées en vue de « prévenir les
risques d’atteinte aux droits de PI et rechercher des solutions juridiques et
techniques innovantes ».
M. Blouin a également fait le point sur la mise en œuvre de la convention de
partenariat entre la FIM, la DGDDI et l’INPI. Signée à l’occasion de la
précédente assemblée générale du CNAC (11 mars 2019), cette convention a ouvert
la voie à des « échanges permanents d’informations ». Elle a aussi
permis le « déploiement de pré-diagnostics auprès des entreprises
adhérentes de la FIM » (évaluation des besoins des entreprises en matière
de propriété industrielle).
C’est avec
beaucoup d’intérêt que les membres du CNAC ont écouté l’intervention de M.
Blanchet. Avec son collègue Pierre-Yves Bournazel, député de Paris, il
conduit actuellement une mission d’évaluation de la lutte contre la
contrefaçon, dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des
politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale.
Pour éclairer leur réflexion, la Cour des comptes leur a remis un rapport
s’inscrivant dans le prolongement de celui que les magistrats de la rue Cambon
avaient publié en 2014. M. Blanchet souhaite s’appuyer sur ce rapport et
regrette que les recommandations formulées il y a six ans n’aient pas ou peu
été suivies d’effets (« Trop de temps a été perdu et des milliards d’euros
se sont évaporés »).
Les deux co-rapporteurs devraient remettre leurs conclusions d’ici au mois
de février 2021. M. Blanchet espère que ces conclusions pourront ensuite
trouver rapidement une traduction législative (projet ou proposition de
loi), l’objectif étant de faire en sorte que la France ne devienne pas la
première victime mondiale de la contrefaçon.
Après avoir rappelé que 41% des 15-24 ans jugent acceptable le fait d’acheter
des produits contrefaisants lorsque le prix du produit original et authentique
est trop élevé, M. Blanchet a souligné la nécessité de « changer de
paradigme » (la contrefaçon ne concerne pas uniquement les sacs à main
de luxe) et de trouver des moyens plus efficaces pour sensibiliser les
jeunes aux dangers de la contrefaçon. Il conviendrait notamment de « leur
faire comprendre que la contrefaçon menace leur environnement, auquel
ils sont sensibles » et qu’» elle menace leur santé ou celle
de leur petits frères et sœurs » (les jouets figurent parmi les produits
les plus contrefaits). Plus largement, la contrefaçon doit être perçue comme
« ringarde ».
M. Blanchet a par ailleurs insisté sur la nécessité de mettre davantage en
exergue le lien entre contrefaçon et terrorisme.
Les résultats
2019 des douanes ont été présentés par Gil Lorenzo, sous-directeur « affaires
juridiques et lutte contre la fraude » à la DGDDI, et M. Dagorn. L’an
dernier, les douanes ont saisi 4,5 millions d’articles contrefaisants. Près
de 29% des marchandises interceptées provenaient du commerce en ligne, contre
1% il y a vingt ans. Ces saisies ont représenté 60% des procédures douanières.
La DGDDI fait actuellement face à l’atomisation des envois de contrefaçons,
dans un contexte d’explosion du commerce électronique. Afin de lutter contre ce
phénomène, elle a recruté des scientifiques des données. Elle recourt
également à la méthode d’extraction de données (web scraping).
Les réseaux sociaux sont actuellement utilisés par les contrefacteurs.
Les douanes sont également confrontées à la croissance du nombre de
contrefaçons domestiques et au développement d’ateliers de contrefaçons
sur le territoire de l’UE. Les organisations criminelles cherchent ainsi à
rapprocher les lieux de production des consommateurs.
M. Lorenzo a mentionné la création récente de la Mission interministérielle
de coordination anti-fraude (MICAF). Placée auprès du ministre chargé du
Budget, la MICAF comprend un groupe « contrefaçon », dont le
pilotage est assuré par la DGDDI. Une réunion s’est récemment tenue avec l’ensemble
des acteurs. Trois axes prioritaires ont été dégagés : faire
converger tous les renseignements vers un point unique, à savoir la direction
nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED); faire remonter
la contrefaçon dans la liste des priorités des comités opérationnels
départementaux anti-fraude (CODAF) et des juridictions interrégionales
spécialisées (JIRS); réfléchir à une meilleure articulation entre les
procédures administratives et judiciaires des douanes.
M. Dagorn a, pour sa part, mis l’accent sur l’importance des demandes d’intervention
déposées par les titulaires de droits. L’an dernier, 1.550 demandes d’intervention
ont été enregistrées par la DGDDI, soit une hausse de 7,5% par rapport à
2018. Des actions de promotion sont mises en œuvre en coopération avec l’INPI,
dans le cadre d’une convention de partenariat.
Pour ce qui concerne les outils européens, la DGDDI participe activement au
développement de l’IP Enforcement Portal (IPEP), qui est la plateforme
unique de l’UE pour traiter les questions liées au respect des droits de
propriété intellectuelle.
En 2019, la chambre de commerce américaine (USCC) a décerné à la DGDDI
un prix récompensant son action en matière de lutte anti-contrefaçon.
L’assemblée générale s’est conclue par l’intervention du sous-directeur du droit économique à la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), Patrick Rossi, qui a fait un point sur l’application de la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon. Cette loi a amélioré les outils procéduraux à la disposition des victimes de contrefaçon : chefs de préjudice cumulatifs (conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits); obligation de tenir compte des économies d’investissements (intellectuels, matériels et promotionnels) réalisées par le contrefacteur; possibilité de mettre en œuvre le droit à l’information avant la condamnation au fond pour contrefaçon; facilitation de la mise en œuvre de la procédure de saisie-contrefaçon. Après avoir rappelé que la loi de 2014 repose sur le principe de la réparation intégrale (réparer « tout le préjudice, mais rien que le préjudice »), M. Rossi a souligné la nécessité d’aller plus loin dans la définition du préjudice économique (une réflexion est en cours) et de répondre à la problématique de la faute lucrative (la Cour des comptes recommande au Gouvernement d’explorer la piste de l’amende civile).
Dans un
courrier adressé à la Commission européenne, des représentants de l’audiovisuel
l’accusent de revenir par la bande affaiblir la réforme adoptée pour réguler l’utilisation
en ligne de contenus protégés.
Dix-huit mois
après l’adoption épique de la controversée réforme européenne du droit d’auteur,
et à l’approche de son entrée en vigueur, la guerre du copyright est relancée.
Dans un courrier adressé jeudi au commissaire Thierry Breton, en charge du
numérique, une vingtaine de lobbys européens des ayants droit de la musique, de
l’audiovisuel et de l’édition – comme l’ACT (télés commerciales), Eurocinema,
Mediapro ou le Gesac (auteurs) – accusent la Commission européenne de revenir
en arrière-cuisine sur ses engagements pour lutter contre la diffusion abusive
en ligne de contenus protégés.
Les services de
la Commission finalisent en effet actuellement les « lignes directrices »
de la directive, qui constituent le mode d’emploi des mesures prévues et le
guide de la transposition par les États membres, qui doit intervenir avant juin
2021. Or, selon les signataires, qui ont été consultés sur la rédaction, « en
interprétant l’article 17 d’une manière contraire à l’intention du législateur,
les orientations proposées […] constituent une tentative de réécrire la
directive et de modifier la législation […] sans procédure législative
appropriée ».
Ils redoutent
que la rédaction retenue, à rebours des espoirs nés de la rédaction initiale de
la directive, n’ouvre la porte à trop de souplesse pour les plateformes
numériques. Selon eux, le flou sur les contenus et les usages concernés
permettraient à Youtube et autres de contourner leurs obligations de contrôle
et de filtrage des contenus diffusés par les utilisateurs. L’objectif affiché
de la directive était de contraindre les plateformes à négocier de meilleurs
accords de licence avec des ayants droit mieux armés juridiquement en cas d’abus.
Bataille sur
les exceptions
« Les
services de la Commission sont en train de créer un nouveau « safe harbor »
dans lequel s’engouffreront les plateformes pour continuer à monétiser nos
contenus à leur avantage », affirme aux « Echos » un des
signataires du courrier, qui voit derrière cette approche l’influence de la
justice allemande et d’autres pays nordiques, soucieux d’adoucir les contrôles
pour ne pas pénaliser excessivement les utilisations ludiques et créatives
(parodies, gifs, etc.), informatives ou privées et sans portée (musique de
films de famille, petite chaîne Youtube, etc.) de contenus protégés par le
droit d’auteur.
Une galaxie
hétéroclite de défenseurs d’un « Internet libre » s’était mobilisée
en ce sens lors des très intenses débats sur le texte au Parlement européen, de
2017 à 2019.
En réaction, la
Commission européenne se défend d’outrepasser ses prérogatives et estime que
les lignes directrices en préparation sont le résultat d’un dialogue normal et
classique entre les différentes parties prenantes. « Nous sommes attentifs
à respecter la lettre, le contexte et le but de l’article 17 », y indique
une porte-parole. Selon elle, le texte « assure l’équilibre entre
plusieurs droits fondamentaux », des ayants droit comme des internautes.