Faux sacs Hermès : de lourdes peines pour le réseau de contrefaçon

Le tribunal correctionnel de Paris a frappé fort ce mercredi. Une peine de six ans de prison ferme a été prononcée à l’encontre de l’organisateur de ce vaste trafic de sacs, contrefaits par des ex-salariés de la marque de luxe française.

Le Parisien, le 24 février 2021 à 20h11, par Ronan Folgoas

Des peines de prison ferme au-delà des réquisitions du parquet et des dommages et intérêts somptuaires, à hauteur d’environ 500 000 euros par personne. Le tribunal correctionnel de Paris a décidé de frapper fort ce mercredi à l’encontre de la vingtaine de prévenus dans l’affaire des contrefaçons de sacs Hermès, époque 2008-2012.

Le premier d’entre eux, considéré comme le grand organisateur, a été condamné à six ans de prison ferme et 1,5 million d’euros d’amende, sans parler du volet civil. Au début des années 2000, Romain C. était coupeur cuir pour le compte d’Hermès. Affecté sur le site de production de Pantin (Seine-Saint-Denis), cet ouvrier qualifié en avait été licencié en 2005. Trois ans plus tard, il mettait sur pied un réseau de fabrication parallèle de sacs Birkin, l’un des modèles emblématiques de la célèbre enseigne de luxe.

«Cela apparaît complètement disproportionné»

Jusqu’en 2012, lui et ses complices, pour l’essentiel des ex-salariés d’Hermès, auraient contrefait 400 exemplaires (313 en peaux de crocodile et 87 en cuir selon les estimations de la Justice) écoulés environ 20000 euros l’unité (pour les sacs en croco) dans le cadre d’un réseau de revente international dont les ramifications s’étendaient en Russie et jusqu’à Hongkong. Cette juteuse opération lui aurait rapporté un bénéfice personnel de 2,4 millions d’euros.

Domicilié en Australie, il fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt. « Compte tenu de l’extrême sévérité des peines, nous allons évidemment interjeter appel, indique son avocat Me Alexandre Lazarègue. Six ans de prison ferme pour une affaire vieille de dix ans dans laquelle il n’est pas question d’atteinte aux personnes mais d’atteinte aux biens et de délits économiques et financiers, cela apparaît complètement disproportionné ».

L’autre principal prévenu a été condamné à deux années de prison ferme (avec bracelet électronique), plus deux avec sursis. Daniel K., un sexagénaire domicilié à Asnières (Hauts-de-Seine), est reconnu coupable d’avoir joué un rôle essentiel dans la fourniture des peaux de crocodile. Le nerf de la guerre pour ces maroquiniers clandestins dont les ateliers français étaient établis à Colombier-Saugnieu (Rhône) et Miribel (Ain).

L’ex-chef d’entreprise devra en outre payer une amende de 400 000 euros (dont 200 000 euros avec sursis) et plusieurs de ses biens, dont le domicile familial d’Asnières, doivent être saisis. Daniel K., présent lors du délibéré, devrait lui aussi faire appel de sa condamnation.

Un marchand d’armes russe parmi les fidèles clients

En dehors de Romain C., deux autres ex-salariés de la marque française ont été condamnés à des peines de prison ferme (15 mois et 12 mois). « Les montants des dommages et intérêts sont tout à fait disproportionnés, réagit Me Patrick Hagège, l’avocat de l’un d’entre eux. C’est notamment pour cette raison que nous ferons appel ».


Douanes : plan d’action contrefaçons 2021-2022

Le 22 février, le ministre délégué chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, a présenté le plan d’action douanier de lutte contre les contrefaçons pour la période 2021-2022.

Ce plan vise à renforcer l’application de la stratégie des douanes en matière de lutte contre la contrefaçon. Définie en 2018, cette stratégie donne la priorité à la lutte contre les contrefaçons dangereuses pour la santé ou la sécurité du consommateur, au démantèlement des réseaux criminels organisés ainsi qu’à la responsabilisation des titulaires de droits.

Selon M. Dussopt, cette stratégie « a fait ses preuves ». En 2020, les douanes ont intercepté 5,6 millions d’articles contrefaisants, soit une hausse de 20% par rapport à 2019. Dans 62% des cas, les contrefaçons ont transité par fret postal ou fret express.

Le ministre a par ailleurs rappelé que les contrefacteurs « sont en recherche perpétuelle de nouvelles opportunités ». La crise sanitaire a ouvert une brèche dans laquelle ils se sont engouffrés. L’an dernier, 272 000 masques de contrefaçon et 128 000 faux médicaments ont été saisis.

Au regard de « l’évolution des trafics de contrefaçons sur le commerce en ligne » et de « la nécessaire adaptation des moyens techniques », les douanes s’engagent à mettre en œuvre neuf mesures articulées autour de quatre objectifs.

1) Mieux coopérer avec tous les acteurs de la lutte contre la contrefaçon

Déterminées à lutter avec les acteurs du e-commerce contre la prolifération du phénomène, les douanes s’engagent à :

  • soutenir la mise en œuvre de mesures préventives et proactives par les places de marché et les réseaux sociaux ;
  • développer des protocoles de coopération ;
  • s’associer à une certification commune des places de marché avec la direction générale des entreprises (DGE).

En vue d’une coopération accrue entre acteurs institutionnels, les douanes s’engagent à :

  • renouveler la convention entre l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;
  • élargir et renforcer la collaboration interministérielle ;
  • renforcer le lien avec l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) ;
  • porter au niveau européen la nécessité de lutter contre la contrefaçon.

Pour ce qui concerne la sensibilisation des entreprises et des consommateurs, les douanes s’engagent à :

  • adopter une coopération différenciée et adaptée aux titulaires de droits ;
  • monter des actions de communication auprès du secteur privé en organisant des « journées d’actions anti-contrefaçons » ;
  • sensibiliser les vendeurs et les acheteurs en ligne ;
  • intervenir spécifiquement auprès des jeunes sur les risques liés à la contrefaçon.

2) Renforcer la collecte et le traitement du renseignement

Afin d’améliorer la qualité et la quantité du renseignement nécessaire au ciblage, les douanes s’engagent à :

  • étendre localement le réseau de cyberdouaniers ;
  • mettre en place une meilleure exploitation des demandes d’intervention déposées par les titulaires de droits ;
  • redynamiser la collecte du renseignement ;
  • participer et soutenir les développements européens sur les dernières évolutions des systèmes douaniers.

En vue de développer de nouvelles techniques et de nouveaux outils d’analyse, les douanes s’engagent à :

  • développer l’exploration de données (data mining) ;
  • poursuivre les travaux européens menés dans le cadre du déploiement du dispositif « Import Control System 2 » (nouveau système d’informations anticipées sur les marchandises des douanes de l’UE) ;
  • explorer les possibilités techniques des systèmes de chaînes de blocs (blockchain), en lien avec les titulaires de droits et les travaux européens en cours sur ce sujet.

3) Une politique renforcée de contrôle et d’enquête

Au titre du recentrage de la politique de contrôle, les douanes s’engagent à :

  • apporter une réponse aux flux dédouanés dans les autres États membres ;
  • identifier les zones logistiques des métropoles et sociétés revêtant une sensibilité particulière ;
  • programmer des contrôles spécifiques ;
  • poursuivre la mobilisation des services douaniers responsables des contrôles dans les envois postaux et fret express.

S’agissant de la lutte contre les réseaux organisés, les douanes s’engagent à :

  • développer la nouvelle compétence « contrefaçon » pour la direction des enquêtes douanières (la nouvelle section « protection du consommateur et de l’environnement » de la DED est notamment chargée des produits dangereux pour la santé et la sécurité des personnes physiques) ;
  • poursuivre l’identification et le démantèlement de filières d’assemblage sur le territoire national ;
  • s’appuyer sur le réseau des attachés douaniers pour contribuer à la lutte contre la criminalité organisée transnationale ;
  • sensibiliser les parquets aux infractions liées à la propriété intellectuelle.

4) Adapter la politique contentieuse et les poursuites aux enjeux stratégiques

Convaincues de la nécessité d’engager des procédures adaptées en fonction des enjeux stratégiques, les douanes s’engagent à :

  • choisir, en cas de cumul d’infractions, la plus adaptée pour les besoins contentieux tout en notifiant les infractions connexes ;
  • adapter la politique contentieuse ;
  • poursuivre les actions de formation à destination des douaniers.

Pour ce qui concerne la responsabilisation des titulaires de droits, les douanes s’engagent à :

  • utiliser, dans le cadre d’une retenue, la mainlevée en cas de non-respect des obligations du titulaire de droits ;
  • suspendre la demande d’intervention en cas de non-respect des obligations du titulaire de droits ;
  • mieux orienter les titulaires de droits vers le bon interlocuteur douanier.

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Création d’un label pour les plateformes de vente en ligne vertueuses : ma lettre au secrétaire d’État chargé de la transition numérique

Le 7 décembre dernier, le Gouvernement a annoncé le lancement d’un label pour les plateformes de vente en ligne vertueuses au premier semestre 2021.

Dans une lettre datée du 19 février, j’attire l’attention du secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, Cédric O, sur la nécessité de veiller à ce que les critères et conditions d’obtention du label soient les plus précis possible.

Monsieur le Ministre,

Vous avez récemment annoncé le lancement d’un label pour les plateformes de vente en ligne vertueuses au premier semestre 2021.

En ma qualité de président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), je tiens à saluer cette excellente initiative, qui permettra notamment d’orienter les consommateurs vers les places de marché en ligne qui contribuent à la lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

Les critères et les conditions d’obtention du label doivent être présentés d’ici au mois de juin prochain. Aussi, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de veiller à ce que ces critères et conditions soient les plus précis possible.

Selon le premier bilan de l’application de la charte des acteurs du e-commerce, « toutes les places de marché signataires permettent le signalement d’une offre ou d’un produit suspect et agissent promptement dès qu’elles sont saisies ».

Cependant, les titulaires de droits considèrent que les délais de retrait des produits contrefaisants sont parfois trop longs. De plus, la notion de retrait dans les meilleurs délais est diversement interprétée par les plateformes. Quant aux obligations incombant aux places de marché, elles sont jugées trop imprécises, voire inexistantes sur certains points importants.

Vous remerciant d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à la présente lettre, je vous prie de croire, monsieur le Ministre, à l’expression de ma haute considération.

Richard YUNG

Chiffres clés 2020 de la propriété industrielle

Le 9 février dernier, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) a publié les chiffres clés 2020 de la propriété industrielle.

L’an dernier, le nombre de dépôts de demandes de marques a battu un nouveau record (106.115 dépôts, soit une hausse de 7,2% par rapport à 2019).

Le nombre de dépôts de dessins et modèles a quant à lui augmenté de 3,7% (5.903).

En revanche, le nombre de dépôts de demandes de brevets a enregistré une baisse de 9,5% (14.309).

Une nouvelle étude européenne confirme les avantages économiques des droits de propriété intellectuelle

Le 8 février, l’Office européen des brevets (OEB) et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ont présenté une étude conjointe intitulée « Droits de propriété intellectuelle et performances économiques des entreprises dans l’UE ».

Cette étude confirme l’existence d’une « forte relation positive » entre la détention de différents types de droits de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins ou modèles) par une entreprise et ses performances économiques [*].

Les entreprises qui détiennent au moins un droit de propriété intellectuelle (DPI) « génèrent en moyenne un chiffre d’affaires par salarié supérieur de 20% à celui réalisé par celles qui ne possèdent aucun droit de propriété intellectuelle ».

La relation positive entre les DPI et les performances économiques est encore plus prononcée pour les petites et moyennes entreprises (PME) titulaires de DPI. Leurs recettes par salarié sont en effet supérieures de 68% à celles des PME qui ne possèdent aucun DPI. Selon le président de l’OEB, António Campinos, « il existe un important potentiel inexploité pour les PME », qui sont moins de 9% à détenir un brevet, une marque, un dessin ou modèle. D’où la nécessité de permettre aux PME de protéger plus facilement leurs innovations grâce aux DPI.

Pour ce qui concerne les salaires, ils sont 19% plus élevés dans les entreprises détentrices de DPI.

Il est par ailleurs à noter que les brevets « sont le type de DPI qui, en moyenne, génère le plus de récompenses pour les entreprises et leurs salariés ».

L’information et la communication sont les secteurs qui recourent le plus aux DPI (18% des entreprises de ce secteur sont titulaires de DPI). Ils sont suivis par l’industrie manufacturière (14%) et d’autres activités de services (14%).

L’OEB et l’EUIPO appellent à la « prudence », considérant que les résultats de leur étude « ne constituent pas une preuve concluante du fait qu’encourager les entreprises à recourir davantage aux DPI entraînera une augmentation de leurs performances ». Il n’est en effet pas possible de distinguer les « mécanismes par lesquels le lien entre la propriété des DPI et les performances de l’entreprise peut fonctionner ».

Vous pouvez lire l’étude en cliquant ici.

_____________
[*] Les indications géographiques et les obtentions végétales n’ont pas été incluses dans le champ de l’étude.