Le Sénat a interdit mercredi le brevetage des « produits issus de procédés essentiellement biologiques », c’est-à-dire des gènes natifs, à l’occasion de l’examen en première lecture du projet de loi sur la biodiversité.
Avec l’avis favorable de la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, les sénateurs ont adopté un amendement de Richard Yung (PS), prévoyant que la protection conférée par un brevet ne s’étende pas à la matière biologique obtenue de manière naturelle ou présente naturellement, ni à son utilisation par des procédés essentiellement biologiques.
« Par l’adoption d’une telle mesure, la France envoie un signal fort à ses partenaires européens en vue d’une évolution de la réglementation sur les gènes natifs, de manière à limiter les brevets sur le vivant », a souligné Mme Royal.
« L’Institut national de la propriété industrielle ne pourra plus délivrer de brevet sur une plante avec une caractéristique particulière, comme la résistance à un parasite, sa teneur en protéines, ou sa propriété de séchage, s’il est établi que cette caractéristique existe naturellement ou peut être obtenue par des procédés classiques de sélection », a-t-elle ajouté.
Les sénateurs ont aussi renforcé l’encadrement de la brevetabilité du vivant, en élargissant la non-brevetabilité aux produits issus de procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux, ainsi qu’à leurs parties et composantes génétiques.
Evelyne Didier (Communiste, républicain et citoyen, CRC) a rappelé qu’en mars 2015, la Grande Chambre de recours de l’Office européen des brevets (OEB) a autorisé, dans une affaire concernant les cas d’un brocoli et d’une tomate, le dépôt de brevets sur des plantes conventionnelles obtenues par un procédé de sélection classique. « Plusieurs associations qui défendent le principe de non brevetabilité du vivant, mais également les représentants des semenciers français, ont exprimé leur inquiétude », a-t-elle poursuivi. Avec la mesure adoptée, la France « s’oppose à une telle interprétation du droit de la propriété intellectuelle appliqué au vivant », a-t-elle dit.
Pour Joël Labbé (écologiste), « interdire les brevets sur les plantes et les animaux issus de procédés d’obtention essentiellement biologiques sans interdire en même temps les brevets sur leurs traits natifs risque d’être aussi peu efficace que d’ouvrir la cage d’un oiseau tout en lui laissant une chaîne à la patte ».
« Au regard des contournements des dispositions permises par les nouvelles techniques de modification génétique et la multiplication des brevets accordés par l’Office européen des brevets (OEB), il faut étendre l’exclusion de la brevetabilité aux produits qui sont issus de ces procédés », a jugé Jacques Mézard (RDSE, à majorité PRG).
Le Sénat a par ailleurs adopté un amendement du gouvernement rendant publiques, en open data, les données concernant la biodiversité et l’innovation.
« Il s’agit de consolider la montée en puissance et la densité de l’inventaire national du patrimoine naturel, mis en ligne par le Muséum: 14 millions de données, plus de 145.000 espèces, 16.600 photographies en ligne, 110.000 consultations par mois et de visites numériques », a indiqué Mme Royal, ajoutant qu’il est ouvert aux chercheurs et le sera aux entreprises et autres utilisateurs.
L’examen du texte au Sénat, où quelque 600 amendements ont été déposés, est prévu jusqu’à vendredi et sera suivi d’un vote solennel le 26 janvier. Il repartira ensuite en deuxième lecture à l’Assemblée.
AFP