La quatrième conférence du CNAC s’est tenue au Sénat le lundi 17 octobre. Elle a rassemblé une vingtaine de personnes autour du thème « Les indications géographiques et la nouvelle réglementation sur les indications géographiques artisanales et industrielles ».
Antoine GINESTET, chargé des indications géographiques à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), a présenté le dispositif juridique relatif aux indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux. Créé par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle définit une IG comme « la dénomination d’une zone géographique ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique ». La reconnaissance d’une IG est subordonnée au respect d’un cahier des charges homologué par l’INPI. La demande d’homologation doit être déposée par un organisme de défense et de gestion (ODG). La procédure d’homologation comprend plusieurs étapes (vérification du contenu du cahier des charges et de la représentativité des opérateurs au sein de l’ODG; enquête publique; consultation des collectivités territoriales, des groupements professionnels intéressés, du directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité [INAO] et des associations de consommateurs agréées). Le montant de la redevance versée à l’INPI pour l’homologation du cahier des charges s’élève à 350 euros. Aucune demande d’homologation n’a pour l’instant abouti: savon de Marseille (demande déposée en juin 2015 par l’Association des fabricants de savon de Marseille + demande déposée en décembre 2015 par l’Union des professionnels du Savon de Marseille); siège de Liffol; espadrille de Mauléon (demande déposée en juin 2016); granit de Bretagne (demande déposée en juillet 2016).
La demande d’homologation d’un cahier des charges pour l’indication géographique « siège de Liffol » a été déposée en avril 2016 par le pôle lorrain de l’ameublement bois (PLAB). Créé en 1992, le PLAB est une association qui regroupe 117 adhérents, dont 111 fabricants. Son directeur général, Didier HILDENBRAND, a expliqué que la production de sièges de style dans le bassin de Liffol-le-Grand (Vosges) remonte au 17ème siècle et est étroitement liée à une ressource locale en bois de hêtre de qualité. Une soixantaine de manufactures maintiennent aujourd’hui la production de manière traditionnelle. Elles collaborent avec les plus grands décorateurs, designers et architectes d’intérieur et équipent des lieux prestigieux (opéra Garnier, etc.). Elles sont en capacité de réaliser des sièges sur mesure.
Sept mois ont été nécessaires pour établir le cahier des charges. Ce dernier liste 23 étapes de fabrication – dont 22 étapes effectuées dans la zone géographique – correspondant à 12 métiers et savoir-faire différents. La zone géographique comprend 165 communes de la Haute-Marne, de la Meuse et des Vosges. L’enquête publique s’est achevée le 2 août dernier. La procédure d’homologation devrait aboutir d’ici à la fin de cette année. Selon M. HILDENBRAND, la reconnaissance de l’IG présenterait de nombreux avantages: transparence; traçabilité; préservation des savoir-faire; protection contre la concurrence déloyale; etc.
Anne LAUMONIER, conseillère juridique et référente « indications géographiques » au ministère de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la forêt, a retracé l’histoire de la protection des appellations d’origine et des indications géographiques.
En France, la protection des appellations d’origine remonte à une loi du 6 mai 1919. Le concept d’appellation d’origine contrôlée (AOC) a été institué par un décret-loi du 31 juillet 1935, qui a également créé le comité national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie, l’ancêtre de l’INAO. Le concept d’AOC a progressivement été étendu à toutes les productions agricoles et agroalimentaires (fromages, etc.).
Dans les années 1990, la politique française de valorisation des produits alimentaires a inspiré l’élaboration d’une réglementation européenne relative aux signes d’identification de l’origine et de la qualité des produits agricoles et agroalimentaires. Les deux principaux signes sont, d’une part, l’appellation d’origine protégée (AOP), qui désigne les produits de qualité ayant un lien fort à leur territoire de production (seuls les vins sont autorisés à porter l’appellation d’origine contrôlée française [AOC]), et, d’autre part, l’indication géographique protégée (IGP), qui désigne des produits présentant un lien au territoire un peu moins fort, dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration est effectuée dans une aire géographique déterminée. Mme LAUMONIER a indiqué que les négociations européennes en vue de la création d’IGP non alimentaires sont toujours en cours. Il semble que la Commission européenne « freine des quatre fers ».
Au niveau international, les appellations d’origine sont protégées par l’Arrangement de Lisbonne. Conclu en 1958 dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), cet accord a été signé par 28 pays seulement, dont 7 États membres de l’UE. Il s’applique aussi aux appellations d’origine artisanales très anciennes reconnues par la jurisprudence (mouchoirs et toiles de Cholet, poterie de Vallauris, etc.). Il a récemment fait l’objet d’une révision. Approuvé en mai 2015, l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne prévoit notamment l’extension du mécanisme de protection des appellations d’origine aux indications géographiques (niveau de protection très élevé). Il n’est pas encore entré en vigueur.
Par ailleurs, Mme LAUMONIER a indiqué que certaines dispositions de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC), signé dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), traitent de la protection internationale des indications géographiques (le concept d’IG, au sens de l’OMC, englobe celui d’AO).
Enfin, Mme LAUMONIER a évoqué les projets d’accords commerciaux avec les États-Unis (TTIP) et le Canada (CETA).
Ces trois interventions très intéressantes ont été suivies d’un échange avec la salle.