Le 9 décembre, les députés Christophe Blanchet (Calvados) et Pierre-Yves Bournazel (Paris) ont présenté leur rapport d’information sur l’évaluation de la lutte contre la contrefaçon.
Ce document est le fruit des travaux qu’ils ont conduits dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).
Pour mener ces travaux d’évaluation, les rapporteurs ont sollicité l’assistance de la Cour des comptes, qui leur a remis un rapport s’inscrivant dans le prolongement de celui que les magistrats de la rue Cambon avaient publié en 2014.
Le rapport du CEC comprend dix-huit propositions. Nombre d’entre elles rejoignent celles formulées par le CNAC, ce dont je me réjouis. Je forme le vœu qu’elles puissent rapidement trouver une traduction législative et/ou réglementaire. Il y va de la protection des consommateurs et de la défense de l’innovation.
Proposition n°1 : Autoriser les Douanes à pratiquer des coups d’achat pour les médicaments et les matières premières à usage pharmaceutique.
Proposition n°2 : Inciter les maires à se saisir de l’expérimentation relative à la verbalisation de la vente à la sauvette par la police municipale et construire une collaboration plus étroite avec les services de la police nationale.
Proposition n°3 : Informer les consommateurs sur l’impact négatif des contrefaçons à différents moments clés de l’éducation ou de la vie économique : école, collège, lycée, service national universel, achats sur des sites internet ou des réseaux sociaux.
Proposition n°4 : Adopter une stratégie nationale et un plan d’action de lutte contre la contrefaçon, et charger un délégué interministériel d’assurer sa mise en œuvre.
Proposition n°5 : Charger l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) de collecter l’ensemble des données utiles à la quantification de la contrefaçon et au recensement de l’action des administrations.
Proposition n°6 : Instituer une procédure administrative d’avertissement ou de blocage des sites internet proposant à la vente des produits contrefaisants.
Proposition n°7 : Instituer des agents assermentés pour le droit des marques autorisés à constater une infraction commise sur internet et à exiger, pour le compte du titulaire de droits, qu’il soit mis fin à l’exposition et à la vente de contrefaçon sur des plateformes commerciales ou des réseaux sociaux.
Proposition n°8 : Renforcer l’efficience du blocage des sites commercialisant des contrefaçons :
- introduire dans le code de la propriété intellectuelle une disposition permettant à l’autorité judiciaire de prononcer la suspension groupée de nombreux noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux, et le regroupement des plaintes contre les sites les plus actifs ;
- prévoir un texte d’application a) précisant que le plaignant n’aura pas besoin de démontrer un lien ou une connexité entre les différents sites dont le blocage est demandé, considérant qu’ils sont liés de fait par l’atteinte commune qu’ils portent à la marque ; b) réduisant le formalisme de la preuve pour admettre les copies d’écran et attestations d’un agent assermenté en droit des marques ; c) autorisant l’injonction par le juge de retrait de contenus identiques ou équivalents à un contenu qui a déjà fait l’objet d’un constat d’illicéité ;
- prévoir une disposition précisant expressément qu’en cas d’impossibilité de connaître le responsable du site, l’injonction s’adresse au prestataire de service intermédiaire ;
- prévoir les modalités d’un transfert de la propriété du nom de domaine suspendu au titulaire de droits afin d’en empêcher la reconstitution ;
- instituer une obligation d’avertissement du consommateur sur la page du site suspendu pour contrefaçon ou vente illégale mentionnant la condamnation intervenue.
Proposition n°9 : Évaluer les décisions rendues par les tribunaux en matière de contrefaçon en s’intéressant particulièrement à l’analyse des dommages-intérêts et aux condamnations aux dépens.
Proposition n°10 : Instituer dans le code de la propriété intellectuelle une amende civile à l’encontre du vendeur de contrefaçon, proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur du délit et aux profits qu’il en aura retirés.
Proposition n°11 : Faciliter la défense des droits de propriété intellectuelle des entreprises :
- créer un organisme sous la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) ou d’une association pour conseiller et apporter une aide aux titulaires de droits, en particulier les PME ;
- autoriser à se pourvoir en justice une association existante ou à créer spécifiquement à cet effet, sur le modèle de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) ;
- étudier l’extension de l’action de groupe au domaine de la contrefaçon.
Proposition n°12 : Mieux lutter contre les ventes illicites de tabac :
- appliquer l’article 29 de la loi n°2018-898 relative à la lutte contre la fraude qui oblige les réseaux sociaux à énoncer que la vente de tabac est illégale ;
- dresser le bilan de l’amende forfaitaire sanctionnant l’achat à la sauvette de tabac et étudier la possibilité de sanctionner la détention de tabac illicite comme celle de stupéfiants ;
- sensibiliser les réseaux sociaux à leur obligation de retirer les annonces illégales sans intervention du titulaire de droits, de la même manière qu’ils coopèrent pour supprimer les contenus haineux.
Proposition n°13 : Adapter l’organisation judiciaire aux mutations du commerce international en ligne :
- dédier une chambre juridictionnelle dans certains gros tribunaux judiciaires aux litiges relatifs au commerce en ligne ;
- permettre aux détenteurs de droits de déposer leurs requêtes en ligne ;
- limiter la rotation des magistrats dans les postes spécialisés dans la propriété intellectuelle et les litiges relatifs au commerce en ligne.
Proposition n°14 : Intégrer la contrefaçon dans la feuille de route politique de l’Union européenne, prioriser la lutte contre la contrefaçon au sein des missions de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) et d’Europol.
Proposition n°15 : Reconnaître la responsabilité des plateformes de commerce électronique et des réseaux sociaux en cas de mise en vente de produits contrefaisants et leur imposer un devoir de vigilance, reposant notamment sur :
- une obligation de retirer dans un délai maximal la marchandise du site après réception d’une notification motivée de la part d’un titulaire de droits ;
- une obligation de transparence sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la vente de contrefaçon ;
- une obligation de coopérer avec leurs autorités administratives pour les demandes d’information ;
- une obligation d’exiger l’identité des vendeurs professionnels ;
- une obligation de remboursement du client trompé sur la qualité de la marchandise ;
- une obligation d’information des consommateurs lorsqu’ils ont été exposés à des produits de contrefaçon.
Proposition n°16 : Faire figurer la protection des droits de la propriété intellectuelle dans tous les accords commerciaux bilatéraux signés par l’Union européenne.
Proposition n°17 : Réglementer plus efficacement la vente en ligne de médicaments :
- renforcer les obligations des registraires de noms de domaine en ce qui concerne les sites de vente de médicaments ;
- imposer aux plateformes de commerce électronique des mesures proactives pour retirer les médicaments falsifiés en vente ;
- prévoir pour les réseaux sociaux une obligation de mettre en place des filtres dès lors qu’il s’agit d’offres ou incitations à vendre des médicaments.
Proposition n°18 : Prévoir des publications périodiques sur les falsifications de médicaments au sein de l’Union européenne.
Vous pouvez lire le rapport d’information en cliquant ici.