Dans les beaux quartiers de la capitale, un petit musée prêche le vrai pour éradiquer le faux.
Paris Match du 4 au 10 février, par Philibert Humm
Il y a des musées qui se font berner, refourguer des vessies au prix de lanternes. Et puis il y a celui de la Contrefaçon, seul en France à exposer volontairement des faux. C’est affiché en gros, en gras, marqué sur tous les prospectus, les conservateurs s’en vantent et ils ont bien raison. Car il s’en fait de beaux, des faux. Et des drôlement précieux. Ces copies de bouchons d’amphores gallo-romaines par exemple. Copies qui dateraient de 71avant Jésus-Christ… Depuis qu’on fait, c’est un fait, on contrefait.
Aujourd’hui, la Chine est leur plus grand donateur. Le musée lui devrait en effet 80% de ses-collections, saisies çà et là par les douanes, pour finir sur des étagères en verre. Ce sont un flacon de parfum « Christian Diar », une peluche Marsupilami en laine de verre, des sacs « Adadas » ou cette élégante paire de babouches « Beurbeury ». Mais toutes les contrefaçons ne sont pas aussi grossières. Et le musée nous en fait voir des très fortiches. Une vitrine propose d’ailleurs de nous mettre au défi. Deux produits, l’un authentique, l’autre bidon, cherchez l’erreur. Comme un jeu des 7 différences (parfois plus), mais en moins drôle. Car la contrefaçon est surtout un fléau. Fléau pour nos entreprises, qui se font allègrement voler ; mais surtout fléau pour les consommateurs, qu’ils soient ou non complices de la supercherie. Avant même les vêtements, les lunettes, les montres et les bijoux, ce sont en France les médicaments qui sont le plus saisis. Médicaments au mieux inutiles, au pire mortifères. Même combat pour les pièces automobiles, achetées au rabais sur Internet : capot qui ne ferme pas, plaquettes qui mettent trois ou quatre fois plus de temps à freiner… Et puis, toute dernière mode depuis le scandale des lasagnes au canasson, la contrefaçon alimentaire : colorants interdits découverts dans des sauces ou dans des gâteaux de riz, moisissures cancérogènes sur des fruits secs, résidus, d’antibiotiques dans des lots de miel et de poisson, traces de mercure sur des anguilles ou encore stocks de nouilles génétiquement modifiées… Seul contre à peu près tous, le petit musée poursuit courageusement sa mission d’éducation. Plusieurs fois par an, des douaniers viennent même-s’y former à l’art de renifler une eau de toilette qui sent le Canard WC.
L’amusant, là-dedans, c’est l’adresse. Rue de la Faisanderie, quand on sait qu’en argot des faubouriens, faisander ne voulait pas dire autre chose que duper, tromper, arnaquer… L’autre coïncidence pas piquée des vers c’est que l’association s’est installée après-guerre dans un somptueux hôtel particulier… Un hôtel qui se trouve être la copie conforme d’une bâtisse du Marais ! L’original a depuis disparu, le musée tient toujours. Preuve malgré tout que les faux durent…
A la sortie, sur un présentoir, le livre d’or. Une dame, qui n’a sans doute pas retenu grand-chose, vient d’y écrire ceci (authentique) : « Merci pour tout. Monique. PS : si jamais vous donnez des sacs, je suis preneuse, surtout les Chanel. » Certainement la plus emblématique pièce de l’exposition : première manifestation d’un cerveau contrefait.
Musée de la contrefaçon, 16 rue de la Faisanderie, Paris XVIe. Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 14 heures à 17h30. Entrée : 6 euros.