Le 7 juin dernier, j’ai participé à une table ronde sur la contrefaçon dans le secteur de la maroquinerie.
Organisée par la Fédération française de la maroquinerie (FFM) et l’Union des fabricants (Unifab), cette rencontre a rassemblé une vingtaine de participants, dont les députésPhilippe COCHET (LR) et Jean-Michel VILLAUMÉ (PS).
La maroquinerie constitue un secteur dynamique et tourné vers l’export. La France est le deuxième plus grand producteur européen (2,7 milliards d’euros en 2014). Le secteur comprend 455 entreprises, dont 150 entreprises de plus de 10 salariés et 305 entreprises de moins de 10 salariés, et emploie 18.582 salariés et 1.200 artisans, soit 19% de l’emploi total en Europe pour ce secteur. Par ailleurs, notre pays est le troisième exportateur mondial d’articles de maroquinerie (5 milliards d’euros en 2014, soit 9,2% de l’ensemble des exportations mondiales) derrière la Chine et l’Italie. Les principaux clients de la France sont Hong-Kong, les États-Unis et le Japon.
La table ronde a été introduite par le président de l’Unifab, Christian PEUGEOT, qui a souligné la nécessité de renforcer le cadre juridique de la lutte contre la cyber-contrefaçon. En 2010, un rapport de l’Unifab indiquait que 40% des entreprises françaises considèrent que la toile représente le principal canal de diffusion des contrefaçons. Selon M. PEUGEOT, il importe également de responsabiliser les acteurs de l’Internet en précisant la notion d’intermédiaire et en faisant peser sur les opérateurs de plateforme en ligne un « devoir de diligence » (retrait des contenus illicites). Enfin, M. PEUGEOT a appelé de ses vœux le rétablissement effectif des contrôles des marchandises présumées contrefaisantes en transit/transbordement. Définitivement adopté en décembre 2015, le paquet législatif relatif à la modernisation du système européen des marques a neutralisé la jurisprudence de la CJUE dite « Nokia-Philips ».
Le président de la FFM, Arnaud HAEFELIN, a, pour sa part, indiqué que la maroquinerie française représente « une cible privilégiée des contrefacteurs ». D’après une récente étude de l’Office de l’UE pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la présence de sacs à main et bagages de contrefaçon sur le marché de l’UE représente un manque à gagner annuel d’environ 1,6 milliard d’euros pour l’industrie légitime, ce qui correspond à 12,7% des ventes totales du secteur dans l’UE. En France, le manque à gagner annuel est estimé à 99 millions d’euros, contre 520 millions d’euros en Italie, 231 millions d’euros en Allemagne et 184 millions d’euros au Royaume-Uni. Par ailleurs, la perte de revenus imputable à la contrefaçon est responsable de la destruction de 25.700 emplois, dont 12.100 emplois directs et 13.600 emplois indirects. En France, le nombre d’emplois directs détruits s’élève à 1.015, contre 4.078 en Italie.
Partant du constat que « les tribunaux ne se saisissent que partiellement des mesures existantes » en matière de lutte anti-contrefaçon (usage modéré des procédures de saisie-contrefaçon ; inversion de la charge de la preuve lors des procès ; sanctions insuffisamment dissuasives), un groupe de travail constitué au sein de la FFM a formulé trois séries de recommandations.
1) Garantir la mise en œuvre effective des droits de propriété intellectuelle
– Renforcer les compétences des tribunaux en matière de propriété intellectuelle, à travers la réduction de leur nombre et la spécialisation des magistrats ;
– Impulser une politique qui encourage les tribunaux, au civil comme au pénal, à condamner plus souvent et plus sévèrement les contrefacteurs ;
– Geler les suppressions de postes au sein des services de la douane française afin de préserver des effectifs essentiels à la politique nationale de lutte anti-contrefaçon ;
– Aggraver les sanctions à l’encontre des commerces illicites (recel, contrebande, contrefaçon) qui participent au financement du terrorisme.
2) Renforcer la lutte contre la cyber-contrefaçon
– Instaurer un « devoir de diligence » des acteurs de l’Internet en matière de contrefaçon et les reconnaître à travers un label spécifique (se référer au « modèle » de la plateforme PriceMinister) ;
– Impliquer plus étroitement les intermédiaires de paiement en ligne dans la lutte anti-contrefaçon ;
– Mettre un terme à l’anonymat des acteurs de l’Internet, en particulier pour les opérateurs de sites commerciaux en « .fr » ;
– Dénoncer la jurisprudence de la CJUE relative aux « Adwords », qui autorise de façon extensive la réservation de mots-clés sur les moteurs de recherche.
3) Promouvoir une législation européenne favorable aux titulaires de droits
– Application de la directive européenne sur le droit des marques : s’assurer que la charge de la preuve incombe aux contrefacteurs en cas de litige relatif à la propriété intellectuelle ;
– Consultation publique sur les mesures de diligence en vue de protéger la propriété intellectuelle : refuser toutes mesures contraignantes à l’encontre des entreprises victimes de contrefaçon.
Souscrivant à ces recommandations, j’ai exprimé mon souhait de voir pleinement mis en œuvre l’arsenal législatif et réglementaire existant, qui est à peu près complet. J’ai pointé la timidité globale des juges et encouragé les entreprises à s’approprier les nouveaux outils juridiques qui sont à leur disposition.